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La France selon Henri Cartier-Bresson

La France selon Henri Cartier-Bresson

L’œil du maître sur son pays natal est exposé à la Fondation qui porte son nom à Paris. Un émouvant hommage à celui qui a théorisé « l’instant décisif » en photographie.

Il existe des berceaux qui forgent un regard, forment un artiste. On peut dire que la France a fourni un terrain d’expérimentation privilégié pour le photographe que sera Henri Cartier-Bresson. Né à Chanteloup-en-Brie, le jeune Henri fera son lycée à Paris avant de décider de devenir artiste et refuser de reprendre l’affaire familiale, souhait de son père. Il pense d’abord à devenir peintre et s’inscrit dans la classe d’André Lhote rue d’Odessa dans le quartier de Montparnasse. Il rencontre alors l’écrivain René Crevel qui lui-même l’introduit auprès d’un couple d’américains défenseurs des artistes d’avant-garde, Harry et Caresse Crosby. Ce sont eux qui l’initient à la photographie. Il se nourrit à ce moment-là des clichés d’Eugène Atget et d’André Kertesz.


Allée du Prado, Marseille, 1932 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

« Un miroir de la mémoire »

Mais c’est à la faveur de son service militaire qui le conduira en Afrique qu’Henri Cartier-Bresson se met concrètement à photographier. Au cours de ce voyage qui marque une rupture avec son environnement d’origine, il tombera gravement malade et ne cessera pas d’utiliser son appareil photo. À son retour, au printemps 1931, il tombe sur une photographie qui va le marquer à tout jamais, une image de Martin Munkácsi qui montre trois enfants noirs courant dans les vagues. « Je dois dire que c’est cette photo qui a mis le feu aux poudres » déclare Henri Cartier-Bresson. En 1932, le photographe qu’il devient achète son premier Leica. Il a de beaux mots pour le définir : « un carnet de dessins, un divan de psychanalyste, une mitraillette, un gros baiser bien chaud, un électro-aimant, une mémoire, un miroir de la mémoire ».


Hyères, 1932 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

Escalier

Henri Cartier-Bresson entame alors l’œuvre de sa vie. Il commence à expérimenter la photographie en attrapant ici ou là des scènes de l’existence des badauds, la ritournelle du quotidien en France. Il capture des paysages parisiens, des spectacles étonnants comme cet homme qui s’est installé une tente auprès de sa voiture et fixe le photographe comme s’il le surprenait dans son intimité. C’est aussi cette photographie d’un homme qui descend les rues d’Hyères à vélo en 1932 et semble comme avalé par la vitesse, dévalant à toute allure alors qu’Henri Cartier-Bresson se tient en haut d’un escalier… C’est enfin cet autoportrait que le photographe fait de lui, dans lequel il joue avec le reflet d’un miroir et qui annonce si bien les préoccupations esthétiques de cet artiste de l’image qui saura tant en explorer toutes les facettes.


Hyères, 1932 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

Jean Renoir

Dans le milieu des années 1930, Henri Cartier-Bresson sillonne l’Europe, expose à deux reprises à New York et séjourne au Mexique. Ces voyages le nourrissent et lui font développer des liens intenses avec d’autres artistes comme l’écrivain André Pieyre de Mandiargues ou le cinéaste Paul Strand. En 1936, il revient en France. Il contacte alors le cinéaste Jean Renoir et lui montre un album dans lequel il a rassemblé ses meilleures photographies. C’est ainsi qu’il devient un de ses assistants et l’aide à tourner plusieurs films. Tandis qu’il travaille avec Jean Renoir, il se rapproche des communistes et notamment parce que la France est plongée dans une nouvelle politique qui voit de grandes réformes arriver comme les congés payés. Le photographe devient membre de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR) et publie des reportages dans la revue Regards.


France, vers 1938 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

Dolce vita

C’est alors qu’il s’émancipe et trouve des nouveaux sujets qui feront sa griffe. Il y a notamment les flâneurs des bords de Seine qui viennent trouver un éden passager sur les rives du fleuve le week-end. Henri Cartier-Bresson immortalise cette dolce vita, en fait de doux et joyeux tableaux dans lesquels s’inscrivent ces promeneurs du dimanche qui célèbrent l’avènement des congés payés en France. Ce sont des images touchantes qui témoignent d’un éclat radieux dans ces années sombres précédant la Seconde Guerre mondiale. On sent qu’Henri Cartier-Bresson prend un plaisir fou à photographier la joie de vivre et cette caractéristique ne le quittera jamais.


Congés payés, bord de Seine, 1938 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos 

Congés payés, bord de Seine, 1938 © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

Par Jean-Baptiste Gauvin

Henri Cartier-Bresson en France, 1926-1938 

Du 26 février au 2 juin 2019

Fondation Henri Cartier-Bresson 79 rue des Archives 75003 Paris

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