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Le hip-hop français dans les yeux des photographes

Dans l’exposition « Hip-hop 360. Gloire à l’art de rue » présentée à la Philharmonie de Paris, une grande place est réservée aux photographes de ce mouvement.

Pour créer une scène musicale, un mouvement, un style, marquer une époque, il y a besoin de photographes qui rôdent autour des musiciens. Avant, pendant et après la scène. En backstage, dans la rue ou dans les soirées. Le hip-hop français ne déroge pas à la règle. Dans l’exposition « Hip/hop 360. Gloire à l’art de rue »présentée à la Philharmonie de Paris qui revient sur l’histoire de ce genre musical en France, une grande place est faite aux photographes. Retour sur trois d’entre eux qui ont immortalisé les débuts du hip-hop français.

Sophie Bramly

Danseurs à la Grange aux Belles, Paris (1984) © Sophie Bramly

On est au début des années 80, à New-York, Sophie Bramly est correspondante pour une agence de presse. Elle s’ennuie dans son travail. Lors d’une fête organisée à Union Square, elle tombe dans la culture hip-hop. « J’ai une vraie illumination en voyant ces b-boys – certainement le Rock Steady Crew. Je n’avais jamais vu des corps bouger comme ça ! Ensuite, je découvre que c’est toute une culture et m’immerge dedans. » Elle côtoie Zephyr, Futura 2000, Dondi et Grand Mixer D.St, et elle passe tous ses vendredis soir au Roxy pour écouter les sets d’Afrika Bambaataa – qui l’intronise « Zulu Queen ». 

De retour à Paris, elle garde cette passion même si elle confesse que la culture hip-hop en France l’intéressera toujours moins que celle aux États-Unis. Elle prend en photo les après-midis dansants à la Grange-aux-Belles, animés par DJ Chabin qui y joue les premiers disques de rap, les soirées aux Bains-Douches. Elle rapporte les dernières nouveautés à un animateur et DJ de Radio 7, Sidney, un authentique passionné de hip-hop, qui animera la fameuse émission H.I.P. H.O.P sur TF1. « La première fois que j’arrive au pied du bâtiment de Radio France, je suis étonnée de voir des b-boys s’entraîner dans le hall. La plupart du temps, Sidney a déjà les disques que je lui rapporte – alors qu’ils n’ont pas plus de deux ou trois jours –, et je suis très surprise par la façon dont tout le monde connaît les derniers pas de danse, les derniers titres… » Par la suite, elle animera à Londres l’émission Yo sur MTV Europe et occupera diverses fonctions dans des maisons de disques. Elle publiera aussi en 2021 une monographie intitulée Yo ! The Early Days of Hip Hop 1982-84 qui présente 150 de ses photographies documentant l’essor du hip-hop.

Marc Terranova

Les Atomic Breakers, place de la Sorbonne (Paris), 1987 © Marc Terranova

Quand Marc Terranova débute dans les années 80 sa carrière de photographe pour la presse grand public, il décide de documenter l’émergence du hip-hop à Paris, en suivant les battles de rap, les performances de graffiti et les concours de breakdance. Passionné par la photographie de rue, ses images sont vivantes, denses en couleurs et montrent le hip-hop dans toute sa diversité de 1987 à 1989. Marc Terranova est de toutes les soirées : Chez Roger Boîte Funk au Globo, le club du Boulevard de Strasbourg, mais aussi à la Java. Il photographie Destroy Man, Jhony Go, Spank, Solo, Flavor Flav de Public Ennemy, Dee Nasty devant ses platines ou même à Radio Nova au côté de Afrika Bambaataa. Il assiste aux séances de breakdance qui s’organisent place du Trocadéro ou même place de la Sorbonne. Il suit les graffeurs lors de leurs sorties. Inédites et exposées pour la première fois à la Philharmonie, ses images sont brutes et représentent parfaitement le côté à l’arrache des débuts du mouvement. 

Maï Lucas

Jeunes Fly girls au look veste de policier et Kangol © Maï Lucas

Franco-vietnamienne de première génération, Maï Lucas se reconnaît immédiatement dans l’esprit du hip-hop. Très jeune, elle sort au Globo et photographie ses copains, sa vie. Elle se lie d’amitié avec les jeunes musiciens, graffeurs et danseurs de toutes origines, précurseurs de cette culture faite par les jeunes et pour les jeunes. Ses photographies allient parfaitement aspect documentaire et artistique, elles sont parfaitement reconnaissables parmi les autres tant Maï Lucas impose son style. Chacune de ses images est iconique, on pense aux portraits de Mc Solaar à l’occasion de la sortie de son 45 tours « Bouge de Là » ou de Joey Starr avec une bombe aérosol à la main. Dans un entretien qu’elle accorde à Alexandra Boucherifi, la photographe raconte : « Les années 1980, quand le Hip Hop arrive en France, il faut tout créer : une manière de danser, de s’habiller, de peindre, d’écrire… Il fallait aussi créer un univers visuel, photographique (…) Je n’avais que 18 ans mais j’avais déjà conscience de créer un univers photographique. Je me sentais investie d’une mission et certaines des personnes photographiées avaient besoin d’images, le travail devenait commun. » La demande d’exposer ses images à la Philharmonie a été l’occasion pour elle de se plonger dans ses archives. À côté des dix-neuf images présentées dans l’exposition, elle a publié un ouvrage Hip Hop diary of a fly girl 1986-1996 Paris aux éditions OFR. Entre introspection et témoignage, le livre permet une plongée dans l’intimité et la genèse du hip-hop français, en accordant une place importante aux figures féminines de ce mouvement avec des clichés notamment de B-Love, K-reen, Sté Strausz, les Ladies Night, ou encore la chorégraphe Max Laure.

« Hip/hop 360. Gloire à l’art de rue », exposition à la Philharmonie de Paris, 221 avenue Jean Jaurès, Paris XIXe, jusqu’au 24 juillet 2022.

Fab 5 Freddy Uncle O aux Bains Douches, Paris (1984) © Sophie Bramly

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