
Ils étaient douze. Douze photographes nommés pour le Prix HSBC pour la Photographie. Destiné aux artistes méconnus, le concours offre en récompense la publication d’une première monographie aux éditions Xavier Barral, une exposition itinérante, une aide à la production et l’acquisition de six œuvres par le fonds photographique de HSBC France. Cette année, la 25e édition a récompensé deux femmes : Charlotte Mano et Louise Honée. Chacune avec son univers propre, elles nous parlent de l’intime à travers des clichés remplis de nostalgie et d’introspection.

La narration de l’identité
Née en 1974 à Nijmegen (Pays-Bas), Louise Honée nous embarque dans un voyage sur l’identité et l’enfance. La série We Love Where We Live est l’un de ses projets les plus importants, réalisé entre 2017 et 2019 dans le Comté de McDowell en Virginie-Occidentale, à l’est des Etats-Unis. Un long travail documentaire sur cette région encerclée par la chaine des Appalaches, autrefois Eldorado du charbon. L’économie locale s’est effondrée, les populations ont migré, pour ne laisser que poussière et villes-fantômes. Certains ont décidé de rester. La photographe s’est intéressée à ces familles vivant encore dans le Comté, à ces enfants et leur futur. Dans un noir et blanc épuré, Louise Honée raconte leur quotidien, rythmé par le chômage, la drogue et la criminalité. Ses clichés oscillent entre espoir et désillusion. La pancarte d’un Motel abandonné est plantée au beau milieu d’une forêt comme un objet délaissé. Entre deux bâtiments en ruines, les enfants jouent dans les arbres, vont à l’école. Leurs visages sont collés à la vitre du bus scolaire. Ils dansent dans les rues désertes, affublés d’un costume un peu trop grand, ou d’une tenue de gym. Louise Honée s’interroge ainsi sur les perspectives d’avenir, sur la construction de l’identité et dresse un magnifique portrait d’un lieu où l’entraide est primordiale. Dans une région où les perspectives se sont elles aussi évaporées dans la brume des Appalaches.

L’univers de Charlotte Mano répond à celui de Louise Honée, aux questionnements de l’identité, sur le passage de l’enfance à l’âge adulte. Avec douceur et poésie, sa série Portraire baigne dans une atmosphère bleutée et vaporeuse. On croirait des peintures. Diplômée de l’école des Gobelins, la trentenaire fait poser ses proches pour nous conter son histoire. Son dernier projet, Thank You Mom, présenté pour le prix, est un témoignage très touchant sur le lien avec sa mère. Sur la finitude et le souvenir. Lorsque Charlotte Mano apprend que sa mère est atteinte d’une maladie incurable, elle décide de réaliser ce travail photographique, presque cathartique. Les portraits et les nus traduisent cette envie viscérale de suspendre le temps, comme un rituel. Un projet très personnel qui trouve pourtant une résonance universelle. De l’enfance à la mort, ces deux photographes couvrent de leur travail les affres de la vie, les espérances, les désillusions, l’amour. Deux lauréates aux univers intimement liés.





Par Michaël Naulin