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Lucien Clergue, l’Arlésien

Hommage au photographe Lucien Clergue, co-fondateur des Rencontres d’Arles, dans le cadre du Grand Arles Express 2022.
Cocteau aux ailes de sphinx, Testament d’Orphée, 1959 © atelier Lucien Clergue

Cofondateur des Rencontres d’Arles avec Jean-Maurice Rouquette et Michel Tournier, Lucien Clergue est né en 1934 à Arles. Ayant vécu une enfance difficile, il se lance très tôt dans la photographie, « c’est ma mère qui a voulu que je sois artiste, elle m’a inscrit au violon » dira-t-il dans le documentaire Lucien Clergue se raconte filmé dans le cadre de l’exposition « Les premiers albums » qui a eu lieu en 2015-2016 au Grand Palais. C’est sa mère aussi qui lui offre son premier appareil. « Une modeste boîte noire en bakélite qui va tout déclencher. J’avais treize ans et ce fut immédiatement l’amour fou pour la photo. Une passion pour la vie. Je l’ai su presque le premier jour. … Dès le début, je n’ai envisagé la photographie que sous l’angle de l’expression artistique » peut-on lire sur son site internet. Lors d’une Feria à Arles, il accoste Picasso et lui montre ses images. Se crée une amitié entre les deux hommes qui ne cessera jamais. Photographe autodidacte, il devient membre de l’Académie des Beaux-Arts. Il décède en 2014. Ses œuvres sont conservées aujourd’hui dans les plus grands musées français et étrangers. La ville de Toulon lui rend hommage à travers un programme d’expositions mis en place dans trois lieux de la ville (Maison de la photographie, Galerie des musées, Cabinet d’art graphique – Musée d’art de Toulon) et qui est inscrit dans le parcours du Grand Arles Express 2022. Retour sur trois thématiques abordées pour Blind Magazine.

Les Gitans

Draga en robe à pois, Stes Maries de la mer, 1957 © Atelier Lucien Clergue

À la sortie de la deuxième guerre mondiale, Lucien Clergue est un enfant triste, sa maison a été détruite par les bombardements, sa mère est décédée prématurément.
Les gitans représentent la liberté, leur chant et leur musique le distraient. Le rapport qu’ils entretiennent avec le monde extérieur, le public, est une révélation. Il comprend que lui aussi a besoin de ce contact pour exister. Il constitue alors un très beau témoignage photographique sur leur quotidien, leurs fêtes, leurs commerces forains, et se rend au pèlerinage des Saintes Maries de la Mer et s’enivre de ces « fils du vent » qui le font rêver. Aucun misérabilisme, aucun jugement dans les photographies des Gitans de Lucien Clergue mais une envie de retranscrire leur mouvement, leur énergie rythmée par la danse. Accepté par eux, il deviendra notamment le manager du guitariste Manitas de Plata dont il organisera des concerts jusqu’à New York. Images iconiques, vibrantes, intenses dans les regards et les postures, Jean Cocteau (dont il a été très proche) décrira la communauté des Gitans, à travers les photographies de Lucien Clergue, par ces mots : « On chante, on danse, on forme le cercle et nul n’y pénètre sauf si le sang léger coule dans ses veines. »

Les nus de la mer

Lucien Clergue avoue dans Lucien Clergue se raconte  que les premiers nus qu’il a pris étaient en quelque sorte une réaction aux moments vécus avec sa mère où il devait s’occuper d’elle, de son corps fatigué et meurtri, il lui avait notamment (et cela alors qu’il n’était encore qu’adolescent) lavé le corps. Après ces évènements, il a envie de « photographier des jeunes femmes pleines de vie. » Ses premiers essais de nus féminins datent de 1956, ils sont timides, maladroits. Mais dès qu’il se lance dans la mise en scène de femmes dans les vagues ou au bord de la plage, il entre dans son élément. Sans visage, la femme devient comparable à une sculpture antique vivante, intemporelle. Son premier ouvrage est consacré à ces images, il s’intitule Corps mémorable. Pablo Picasso en a signé la couverture, Jean Cocteau l’a préfacé et les poèmes de Paul Eluard accompagnent l’ensemble, le livre est devenu culte. Il obtient un tel succès qu’il est réédité de nombreuses fois.

Née de la vague, Camargue, 1966 © Atelier Lucien Clergue
Langage des sables, Camargue, 1971 © Atelier Lucien Clergue

Les sables

À la suite d’échanges avec les photographes américains et de la découverte aux États-Unis des workshops qu’il importe à Arles, Lucien Clergue ressent le besoin de faire valider sa création par une caution universitaire. Ayant été dans l’obligation de travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille et payer les dettes de sa mère, il avait quitté l’école trop tôt pour obtenir un quelconque diplôme. De retour dans sa Camargue natale, il s’intéresse aux plages. Il photographie le sable, le limon, le sel, le jeu de l’eau au milieu des minéraux, le jeu du soleil sur une nature vierge et crée des compositions graphiques uniques. Lucien Clergue soutiendra ensuite la première thèse de doctorat de troisième cycle, uniquement en images, sans aucun texte. Roland Barthes, qui était alors membre du jury, dira alors à propos de ses images : « Clergue change le niveau de perception des plages. Avec un rien de sable, il crée un relief géant, il abolit la barrière des noms : un brin d’herbe devient un arbre, une traînée de grains toute une chaîne de montagnes. Il déjoue ainsi le préjugé perceptif et nominal, défait et refait des identités, des noms, ce qui est la fonction même du savoir vivant… »

“Lucien Clergue, le méditerranéen”, exposition en trois lieux (Maison de la photographie, Galerie des musées, Cabinet d’art graphique – Musée d’art de Toulon). Jusqu’au 18 septembre 2022. Entrée libre. (en partenariat avec l’Atelier Lucien Clergue et Grand Arles Express 2022).

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