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Nobuyoshi Araki, une expérience de vie

Nobuyoshi Araki, une expérience de vie

Formant un journal intime visuel dont seul Nobuyoshi Araki a le secret, les 101 photographies de Shi Nikki sont pour la première fois présentées en intégralité à Paris à la Bourse de Commerce-Pinault Collection. Une bonne introduction à l’œuvre inclassable de ce photographe japonais qui place le “Je” au premier plan.
Photo de Nobuyoshi Araki pour la collection Shi Nikki
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993 © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault

Une femme assise à même un sol carrelé au fond d’une pièce dépouillée, air mélancolique, voire triste : œil gauche dissimulé par un cache en tissu blanc, œil droit fermé, et un fait troublant : on aperçoit sa petite culotte. Cent photos plus loin : un rectangle noir, comme un black-out. 

Ainsi commence et finit Shi Nikki (Private Diary), collection de Nobuyoshi Araki parue dans les années 1990 au Japon. Cet ensemble du photographe japonais est exposé dans son intégralité pour la première fois à Paris à la Bourse de Commerce-Pinault Collection inaugurée en mai dernier, et fait l’objet d’une réédition en coédition avec delpire & co.

Entre ces deux vues, une suite déroutante de photographies où reviennent par intermittence des femmes dénudées, des natures mortes, des paysages, des vues urbaines ou industrielles, des scènes de bondage, des ciels alourdis de nuages, le photographe lui-même en train de travailler…

Avec Shi Nikki, Nobuyoshi Araki nous parle de la vie et de la mort

Nobuyoshi Araki, c’est tout cela. Un tout à la fois limpide et mystérieux. Seule clé de lecture : incrustées dans les images, les dates des prises de vue indiquent qu’il s’agit d’une chronologie. L’histoire commence le 27 juillet 1992 et s’achève le 31 décembre 1993. 

Image du photographe Araki pour Shi Nikki
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(16) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
Avec Shi Nikki, Araki Nobuyoshi nous parle de vie et de mort
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(18) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault

Également connu sous le titre 101 Works for Robert Frank, Shi Nikki parle de la vie et de la mort. C’est un récit à la fois intime et universel. À l’instar de l’ensemble de l’œuvre de Nobuyoshi Araki particulièrement prolixe qui a signé plus de 500 ouvrages, pour la plupart autoédités comme c’est courant au Japon. 

La publication en 1971 de A sentimental Journey le fait connaître. Cette chronique de sa lune de miel, « symbole de mon amour », comme il l’écrit dans l’introduction, contient déjà ce qui caractérise son œuvre depuis lors : une forte part autobiographique. « L’idée du roman du moi », comme il l’écrit dans ce même texte.

Avec ses images, Nobuyoshi Araki propose la transcription en photographie du « watakushi-shôsetsu », un genre littéraire en vogue au Japon. Il photographie comme il respire et se sert du médium pour raconter sa vie intérieure. C’est parfois poétique, souvent mélancolique et sulfureux, voire vénéneux. 

Forcément, c’est un peu comme si Nobuyoshi Araki avait un appareil photo à la place des yeux et que la caméra était le prolongement de son esprit et de son âme. A la mort de sa femme survenue prématurément en 1990, Araki a donc naturellement fait son deuil en images. Et s’il dédie Shi Nikki à Robert Frank, c’est parce que ce dernier a quant à lui perdu son fils.

Cette collection de Nobuyoshi Araki fait l'objet d'une exposition à la Bourse de Commerce-Pinault à Paris
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(11) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
L'expo Araki à Paris permet de découvrir la collection Shi Nikki
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(14) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault

Cette conception du médium fait la singularité de l’œuvre de Nobuyoshi Araki. Dans l’exposition, les 101 formats horizontaux sont présentés sobrement, dessinant un ruban qui serpente sur des cimaises courbes. Tout comme dans l’ouvrage, à raison d’une image par double page. Dans un cas comme dans l’autre, c’est une invitation à un voyage émotionnel.

Par Sophie Bernard

Sophie Bernard est une journaliste spécialisée en photographie, contributrice pour La Gazette de Drouot ou le Quotidien de l’Art, commissaire d’exposition et enseignante à l’EFET, à Paris.

Nobuyoshi Araki, Shi Nikki (Private Diary) for Robert Frank, du 8 décembre 2021 au 14 mars 2022, Bourse de Commerce-Pinault Collection, Galerie 3, 2 rue de Viarmes, 75001 Paris.

Catalogue, textes de Matthieu Humery, 220 pages, coédition Bourse de Commerce-Pinault Collection/delpire & co, 45 €.

Photo d'Araki pour Shi Nikki
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(15) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(17) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(6) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(7) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault
ARAKI Shi Nikki (Private Diary), 1993(8) © Nobuyoshi Araki, avec l’aimable autorisation de la galerie Taka lshii et de la Collection Pinault

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