
Pour sa 23e édition, la plus importante foire de photographie du monde réunit pas moins de 180 galeries venues de 31 pays et qui présentent au total 1100 artistes. Alors parce qu’il est parfois un peu difficile d’y voir clair dans cette offre foisonnante, Blind vous propose une sélection – subjective – des oeuvres à ne pas manquer.
Deux figures historiques
Paris Photo se veut être un panorama complet de la scène photographique internationale. À ce titre, de très jeunes galeries côtoient des galeries historiques, créées il y a plus de trente ans alors même que les galeries de photographies n’existaient pas encore.

Parmi elles, la galerie Gagosian. Créée dans les années 1980, elle est probablement l’une des galeries les plus célèbres au monde et représentent des artistes vivants ou morts à la renommée internationale. Cette année, elle s’est associée à la galerie française 1900-2000 pour présenter une exposition exclusivement consacrée à Man Ray, figure majeure de la photographie surréaliste des années 1920-30. Obsédé par l’envie de déjouer la faculté de l’appareil photo à donner une représentation fidèle du monde, il a mis au point de nouvelles techniques photographiques. Ses « solarisations » et ses « rayogrammes » lui ont permis de créer des images fascinantes par leur étrangeté et leur singularité tout en reproduisant une certaine image du réel.

Chez Hauser & Wirth, ce sont les oeuvres du photographe allemand August Sander qui seront mises à l’honneur. Contemporain de Man Ray, il s’est évertué toute sa vie à vouloir donner une image de la société de son pays et de son temps. Il a ainsi réalisé une incroyable galeries de portraits, sorte d’inventaire sociologique des types humains, des classes sociales et des métiers de son époque.
De nouveaux paysages
Sensibles aux changements environnementaux actuels, nombreux sont les photographes qui explorent ce genre incontournable. La galerie française Maubert met ainsi en regard les travaux de Nicolas Floc’h et d’Eric Gugliemi. Ces deux photographes documentaires ont en commun le goût du noir et blanc et des natures sauvages.

C’est en Bretagne que Nicolas Floc’h réalise sa série de photographies sous-marines Paysages productifs. Cette étude photographique sur les habitats naturels révèle des visions où la flore, emportée par le flux des courants, créé des paysages sauvages qui évoquent tantôt des plaines tantôt des forêts luxuriantes. Des forêts qui résonnent avec les images d’Eric Gugliemi qui a récemment entamé un projet sur la forêt tropicale du bassin du Congo menacée par la surexploitation de l’homme. De son premier voyage, il a ramené cinq tirages en Platine-Palladium dont la grande netteté et les effets irisés de l’émulsion à l’oxyde de fer confèrent à l’image des effets de matière captivants.

Sur les cimaises de la galerie new yorkaise Jackson, on pourra admirer les étranges empreintes aquatiques de Meghann Riepenhoff. Fascinée, elle aussi, par les techniques anciennes, elle crée des cyanotypes sans appareil photo. Après avoir enduit d’émulsion de grandes feuilles, elle plonge directement ses toiles vierges dans l’océan et capture ainsi les traces singulières et changeantes du soleil, du sel et de l’eau. Une photographie expérimentale à l’image de celle de Terri Loewenthal qui offre une vision sublimée et psychédélique des paysages californiens.

Curiosités de la jeune création
Inauguré en 2018, le secteur Curiosa est dédié cette année aux photographes émergents. Confiée au commissaire d’exposition anglo-ghanéen Osei Bonsu, la sélection met en lumière des pratiques qui jouent avec la définition même de la photographie, comme si l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux avait bousculé les codes et obligé les artistes a inventé de nouvelles façons de faire des photographies.
Installée au Brésil, la photographe française Elsa Leydier confronte des images idylliques du Brésil trouvées sur Google avec les propos haineux du président brésilien Jair Bolsonaro. Ces phrases, directement insérées dans le code de l’image, altère l’intégrité de cette dernière créant des glitchs, des ruptures. Une façon subtile de souligner les failles du système en place.

Quant à Marie Clerel, c’est vers le ciel qu’elle tourne son regard. Tous les jours, pendant un an, la photographe a installé un papier sensibilisé aux rayons du soleil et a attendu que la lumière y pose son empreinte. Au fil des jours et des saisons, on passe ainsi du bleu le plus pur à de pâles nuances de gris, laissant deviner la météo de ces émouvants tableaux du temps.

L’exposition collective Fragments
Enfin, si le temps vous manque pour parcourir l’intégralité de la foire, rendez-vous directement au balcon d’honneur, au premier étage, pour découvrir l’exposition Fragments qui réunit quelques unes des plus belles photographies de la Fondation A Stitching. Lewis Baltz, Larry Sultan, Guido Guidi, Cesare Fabbri, Max Regenberg… L’exposition confrontent les regards des photographes d’hier et d’aujourd’hui pour questionner la surabondance des images dans notre monde actuel.


Par Coline Olsina
PARIS PHOTO 2019
Du 7 au 10 novembre 2019
Grand Palais, 3 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris