Peu de photographes évoquent une telle aura de glamour teinté d’intrigue, alors que Richard Avedon a pourtant disparu il y a fort longtemps, en 2004.
Dans l’ouvrage What Becomes a Legend Most, dont le titre s’inspire d’une des campagnes commerciales du photographe, l’auteur Philip Gefter aborde le parcours de vie de l’un des photographes les plus prolifiques et vénérés du dernier siècle, de ses origines modestes à son ascension au sein de la bourgeoisie de Manhattan.
Richard Avedon, au-delà des paillettes
Si les anecdotes sur les nombreux shootings de stars de Richard Avedon sont divertissantes, Philip Gefter affirme qu’il serait réducteur de le considérer simplement comme un portraitiste de célébrités. Nombreux sont ceux qui se souviennent de Richard Avedon pour certains de ses clichés : Marilyn Monroe, mélancolique, Andy Warhol, furtif, ou encore Brigitte Bardot, électrique. Cependant, au-delà des paillettes, c’est toute l’Amérique et ses populations qu’Avedon cherchait à documenter.
Les portraits de Richard Avedon avaient certes quelque chose d’unique. Certains de ses contemporains, à l’instar d’Irving Penn, prenaient eux aussi des photos en noir et blanc. Mais ce qui distingue le travail de Richard Avedon, c’est sa manière bien à lui de capturer ses sujets, sous des lumières vives souvent mêlées d’émotion. « Au travers de sa palette brute, faite de primordialité, il allait bouleverser tout l’art du portrait. Le cadre de l’image disparaissait pour ne laisser que le sujet, dépeint avec une netteté rigoureuse : à la fois membre d’une espèce et individu distinct. »
L’un des projets les plus ambitieux de Richard Avedon, sa série In the American West, rassemble des vagabonds, des mineurs, des fermiers et des adolescents, tous exposés en format à taille réelle. Pour Philip Gefter, il s’agit là d’un exemple de la quête essentielle du photographe : capturer l’humanité telle qu’elle est, ni plus, ni moins. « Tout en scrutant avec une précision anatomique chaque différence qui fait de nous des êtres uniques », écrit Philip Gefter, « son objectif fournit un témoignage saisissant de notre appartenance au genre humain. »
Le travail et l’esprit artistique avant tout
Toute biographie digne de ce nom se doit de plonger au plus profond de la vie privée du personnage. Celle de Richard Avedon a donné lieu à force conjectures et polémiques. Dans une biographie de 2017 intitulée Avedon : Something Personal, l’auteur affirmait que le photographe, marié deux fois et père d’un fils du nom de John, était bisexuel.
La réaction de l’Avedon Foundation ne se fit pas attendre : ce n’était là que pure invention. Philip Gefter, lui, tout en adoptant le même éclairage sur l’orientation sexuelle de l’artiste, évite de tomber dans le salace, décrivant tout d’abord l’admiration et l’amour sans bornes de Richard Avedon pour les femmes de sa vie, au-delà de ses relations avec des hommes.
Pour exemple, l’auteur cite une chronique du New Yorker, datant de 1958, qui suggérait que le lien entre le photographe et Doe Avedon, sa première épouse, était de nature strictement platonique. S’ensuit alors une déclaration de Nowell Siegel, enfant de Doe : « Richard et ma mère étaient profondément amoureux et très proches l’un de l’autre. Je dirais que leur intimité, si elle n’était pas d’ordre sexuel, tenait plutôt de l’amitié. »
Philip Gefter porte ainsi son regard acéré avant tout sur le travail de Richard Avedon, les histoires découlant de ses innombrables séances photo, et son esprit artistique. « Sa façon de pratiquer l’art du portrait desservait une noble ambition, celle d’afficher la preuve de notre condition humaine, une espèce douée du pouvoir de s’autoannihiler. »
Par Christina Cacouris
Christina Cacouris est journaliste et conservatrice. Elle est basée à Paris et New York.
What Becomes a Legend Most: A Biography of Richard Avedon, par Philip Gefter
Publié par Harper Collins
$35
Livre disponible ici.
