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Ricky Powell, figure légendaire du hip-hop new-yorkais, est mort

Retour sur la vie mouvementée et le travail de Ricky Powell, conteur charismatique, aussi connu pour son travail de photographe que pour ses performances devant l’objectif.

Ricky Powell (1961 – 2021), décédé lundi 1er février, était le dernier représentant d’une espèce en voie de disparition  — un observateur hors pair qui refusait d’être qualifié de « photographe ».

Ricky Powell
Method Man du Wu-Tang Clan en compagnie de Huckleberry Mahoney sur la 4e rue ouest de New York, 1996.

Celui qui préférait le mot « individualiste », ce râleur attitré de New York, était en effet bien plus que cela. Powell était serveur, coursier à deux roues, vendeur de glaces, promeneur de chien, enseignant suppléant, animateur de radio, chroniqueur pour un magazine, comédien, auteur, historien officieux de New York, star des chaînes câblées, « quatrième Beastie Boys » – sans oublier ce séducteur libidineux immortalisé par la chanson des Beastie de 1989, « Car Thief », accusé d’avoir harcelé sexuellement, traqué et menacé de nombreuses femmes durant sa carrière, dont moi-même.

Ricky Powell
Des gars font du breakdance pour les Beastie Boys, Washington D.C. 1988. © Ricky Powell, avec l’aimable autorisation de powerHouse Books

Je ne peux pas, dans cet hommage, ne mentionner que les bonnes choses et passer ses torts sous silence. Powell était d’une grande franchise et détestait les faux-semblants; il détestait les imposteurs et les sycophants. Il était aussi son pire ennemi, tout en refusant de souffrir seul.

Le glandeur débrouillard 

Sly dans l’ascenceur, Barrow street, New York City, 1985. © Ricky Powell, avec l’aimable autorisation de powerHouse Books

Rien d’étonnant, peut-être, à ce que la carrière photographique de Powell débute au printemps 1985, après une rupture amoureuse qu’il vit comme une injustice. Déterminé à prouver à son ex-petite amie qu’elle avait eu tort de le quitter, Powell veut faire quelque chose de sa vie. « J’aimais photographier ce qui se passait dans la rue, les boîtes de nuit, et je me suis dit qu’il y aurait toujours des photos à prendre, donc que cela pouvait lancer ma carrière. Cela m’amusait – mais c’était aussi quelque chose qui comptait », écrit Powell dans Public Access: Ricky Powell Photographs (Editions Miss Rosen/powerHouse Books).

Ricky Powell
Cindy Crawford dans les toilettes des femmes à MK, New York City, 1989. © Ricky Powell, avec l’aimable autorisation de powerHouse Books

« La première image que j’ai publiée, c’était dans le magazine East Village Eye, une photo de FUTURA 2000 et Keith Haring à un vernissage, en juin 1985. Elle figurait à la fin, dans la section réservée aux noctambules. Elle ne faisait que 5×5 cm, mais mon crédit photo avait de la gueule ! Je me disais : oh purée, même un glandeur comme moi peut faire quelque chose de bien. »

L’attitude décontractée de Powell, couplée à son charisme et son impertinence, lui a bien servi. Un jour de 1986, il abandonne son job de vendeur de glaces dans les rues de Soho et prend l’avion pour Miami, où il rencontre les Beastie Boys sur la tournée « Raising Hell » de Run-DMC. Il frappe à la porte de la salle de concert. Tout simplement. Et c’était gagné.

Avec son rôle de « l’intello » dans le clip des Beastie Boys’ “(You Gotta) Fight for Your Right (To Party)”, Powell montre qu’il est à l’aise des deux côtés de l’objectif. Rapidement, il devient une figure culte en tant qu’animateur de Rappin’ with the Rickster, sans doute le plus grand show télévisé qui soit diffusé sur une chaîne publique. De 1990 à 1996, Powell se fait un nom avec ses interviews cocasses et sympathiques de Eazy-E, Kool Keith, Laurence Fishburne, Sofia Coppola, Sonic Youth et d’autres.

Blunt Freak, Wolman Rink, Central Park, New York City, 1991.
© Ricky Powell, avec l’aimable autorisation de powerHouse Books

Partout où il allait, Powell gardait un de ces Instamatic à portée de main, prêt à photographier tout ce qui attirait son attention. Il a non seulement illustré l’âge d’or du hip-hop, mais aussi saisi l’esprit qui régnait dans le centre-ville de New York avant que la ville ne s’embourgeoise.

Quand cet éternel bohème, né à Brooklyn et élevé à Greenwich Village, a vu son quartier devenir l’ombre de lui même avec le temps, il a tenté de préserver sa magnifique histoire en organisant des visites à pied. Powell se tenait alors dans les jardins derrière la Jefferson Market Library et rappelait à son audience l’époque où la légendaire maison de détention pour femmes se tenait autrefois sur ce terrain alors que lui, alors étudiant à P.S. 41, échangerait des insultes avec les détenues.

Même s’il détestait qu’on dise de lui qu’il était photographe, ce sont finalement ses images qui resteront. Qu’il s’agisse de ses photos du graffeur Dondi White, de la chanteuse punk Nina Hagen, du peintre Jean-Michel Basquiat, du bluesman John Lee Hooker, de club kids, de dames âgées, ou de grandes figures de la rue, Powell avait le don inné de donner aux célébrités l’air de gens ordinaires, et aux gens ordinaires l’allure de stars.

Les rails de la gare Brighton Beach D, Brooklyn, 1986. © Ricky Powell, avec l’aimable autorisation de powerHouse Books

Par Miss Rosen

Miss Rosen est journaliste spécialisée en art, photographie et culture, et vit à New York. Ses écrits ont été publiés dans des livres, des magazines et des sites web, dont Time, Vogue, Artsy, Aperture, Dazed et Vice, entre autres.

Pour plus d’infos sur Ricky Powell visiter son site web ou sa page Instagram.

Ricky Powell, Charles Street, New York City, 2012 © Janette Beckman

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