
Fifty High Seasons #4, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont
Une photographie documentaire de l’urbanisme
Avant d’être diplômé de photographie documentaire, Shane Lynam a étudié les Sciences politiques et économiques. Et c’est certainement ici que vient se nicher tout l’intérêt de son travail. Comme il l’explique au magazine We are Our Choices : “Quand je photographie des lieux, je m’intéresse à leur historique. J’essaie d’identifier comment leurs différentes strates d’histoire économique et politique se traduisent dans l’architecture ou l’urbanisme.”
Et il en est ainsi de son travail dans “Fifty High Seasons”, un projet qui part sur les traces de la mission interministérielle Racines lancée au début des années 60. Un projet qui vise, à l’époque, à dynamiser le littoral du Languedoc-Roussillon pour y attirer de nouveaux touristes : les classes moyennes. De cette mission, de nombreuses infrastructures vont voir le jour (grands ensembles, installations de service, stations balnéaires) et, avec elles, de nouveaux “modes d’habiter” le paysage. Ce que Lynam vient observer dans son travail c’est comment le temps est venu se surexposer à cette architecture qui regardait alors du côté de l’Amérique. Aux côtés de quelques effets de kitsch heureux, Lynam parvient surtout à retranscrire la façon dont des éléments anachroniques dialoguent aujourd’hui avec la société actuelle.

Fifty High Seasons #18, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont
Le médium photographique pour dire la non-immuabilité des choses
Loin d’un angle ironique à la Martin Parr ou d’un prisme qui dénoncerait une standardisation, Shane Lynam écoute le paysage et ses interstices avec tendresse et délicatesse. En privilégiant d’une part des couleurs douces qui ne témoignent pas d’une posture autour de la notion de mauvais goût ou d’une dénonciation. En ayant souvent recours à des cadrages coupés courts ou très larges qui montrent que le temps passera à nouveau sur cet état des choses, ici capturé. Lynam semble ainsi dire qu’il n’y a pas de fatalité, mais seulement des “habités” qui se transforment, soit, des histoires qui se font et se défont.

Fifty High Seasons #12, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont
Un travail nourri de nombreuses références
Le travail de Shane Lynam vient s’inscrire dans une longue tradition de photographes ayant choisi pour objet le littoral français (Bernard Plossu, Jacques Filiu) et de ceux qui s’intéressent aux paysages banals et intermédiaires (Bertrand Stofleth). Par delà ces connotations, on peut aussi rapprocher son travail de celui de Raymond Depardon, période couleur – une référence qu’il mentionne à plusieurs endroits, puisque c’est à l’occasion d’une exposition qui lui est consacrée qu’il choisira la photographie pour médium et métier. Par delà, ces deux figures peuvent se rapprocher par la dimension sociologique qu’elles revêtent. Lynam sait s’emparer des notions de banalité et de zone intermédiaire, des questions d’habitat, avec un avantage : sa sensibilité aux tiers lieux est empreinte d’un regard politique, économique et historique. Une approche dont il a également démontré la maîtrise dans sa superbe série “Contours” qui donne à voir la banlieue parisienne au prisme des espaces naturels qui lui survivent encore.

Fifty High Seasons #17, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont

Fifty High Seasons #33, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont

Fifty High Seasons #3, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont

Fifty High Seasons #7, 2010 – 2017 © Shane Lynam / Courtesy galerie Bertrand Grimont
Shane Lynam, « Fifty High Seasons »
Du 2 mai au 8 juin 2019
Galerie Bertrand Grimont, 42-44 rue de Montmorency, 75003 Paris