À la suite des directives des autorités de chaque pays, la plupart des expositions sont suspendues, reportées ou annulées. Nous avons décidé de publier tout de même les articles qui en parlent, quand nous avons pu notamment les voir avant la fermeture. Pour plus d’informations sur notre ligne éditoriale durant cette période, vous pouvez lire ici notre édito.
New York, New York, 1979 III © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
Né à Hong Kong de nationalistes chinois fuyant le règne du président Mao, Tseng Kwong Chi (1950-1990) a été salué comme un enfant prodige lorsqu’il a commencé à peindre à l’âge de 10 ans. En 1966, sa famille a émigré à Vancouver. Tseng s’est alors fixé pour objectif d’étudier la photographie à L’Académie Julian à Paris, et a obtenu son diplôme en 1975. Trois ans plus tard, il est venu s’installer à New York, où il a rapidement intégré la scène artistique et la vie nocturne des années 1980. Ayant vécu sur trois continents, Yseng se considérait comme un citoyen du monde, plutôt que de se qualifier lui-même – ou de qualifier son travail – de chinois.
Pourtant, Tseng a compris la manière dont il était perçu, et il a malicieusement commencé à jouer avec son identité. En 2015, sa sœur Muna a raconté que Tseng était arrivé à un dîner organisé par ses parents, au restaurant chic « Windows on the World » situé au sommet du World Trade Center, vêtu d’un costume Zhongshan acheté dans une friperie de Montréal. Ses parents étaient consternés, mais le maître d’hôtel avait traité Tseng comme s’il était un dignitaire en visite. De cet épisode est né l’ « Ambassadeur ambigu », un personnage adopté par Tseng pour East Meets West (alias Expeditionary Self-Portrait Series), dont une sélection est présentée actuellement dans une petite exposition, à la Yancey Richardson Gallery de New York.
Disneyland, California, 1979 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
Pionnier des décennies du selfie, avant qu’il ne devienne un phénomène mondial
East Meets West retrace le périple de Tseng à travers l’Amérique dans une sélection de photographies noir et blanc qu’il a commencé à réaliser en 1979 avec un Rolleiflex des années 1940. Des décennies avant l’avènement du selfie, Tseng, adoptant le point de vue d’un étranger, a utilisé l’autoportrait, l’instantané touristique, la photographie de paysage et l’art de la performance pour interroger la manière dont la photographie façonne nos notions de vérité, de fiction et d’identité.
Avec son costume, ses lunettes de soleil et parfois un badge d’identification accroché à sa tenue où l’on lisait alternativement « visiteur » et « SlutForArt », Tseng a incarné un personnage austère mais ludique pour satiriser subtilement l’obsession américaine des symboles de pouvoir et de gloire. « J’exacerbe l’ironie des icônes et des symboles de la culture populaire occidentale… qui sont tous adorés, exploités et exportés par le biais de la télévision, des films hollywoodiens et des magazines de Madison Avenue », disait Tseng dans Tseng Kwong Chi: The Expeditionary Works (Houston Center for Photography, 1992).
Posant devant des hauts lieux touristiques tels que la Statue de la Liberté, l’Empire State Building, Disneyland, le Lincoln Memorial, Cap Canaveral et le Grand Canyon, Tseng est, tel qu’il le dit lui-même, un « voyageur curieux » qui apporte son témoignage en même temps qu’il s’amuse, créant son propre monde insouciant en dépit de la tragédie du sida, qui ravageait le monde et finira par lui coûter la vie en 1990 à l’âge de 39 ans.
Cape Canaveral, Florida, 1985 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
New York, New York, 1979 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
Grand Canyon, Arizona, 1987 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
New York, New York, 1979 II © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
Niagara Falls, New York, 1984 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
San Francisco, California, 1979 © Tseng Kwong Chi, Courtesy of Yancey Richardson Gallery
Par Miss Rosen
Tseng Kwong Chi : East Meets West
Jusqu’au 4 avril 2020.
Yancey Richardson Gallery, 525 West 22 Street, New York, NY 10011, U.S.A