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DERRIÈRE L’IMAGE – Image fantôme

DERRIÈRE L’IMAGE – Image fantôme

À l’occasion de l’exposition De l’intime à la Galerie Les Douches, Blind décrypte une image de l’écrivain et critique Hervé Guibert, photographe d’une instantanéité toujours mystérieuse.

Nombreux sont ceux qui auront tenté le même cliché : celui d’une nature morte distillant tant d’éléments personnels qu’elle en devient portrait. Le bureau, la table de nuit ou encore la bibliothèque sont alors les espaces phares de cet exercice de dévoilement ; d’écriture d’une autofiction par l’image. À première vue, la photographie est donc assez banale : au moyen d’une contre-plongée frontale, Hervé Guibert immortalise en noir et blanc sa table de travail, concentrant tout son univers personnel et mental. La composition de l’image l’éloigne en revanche de la banalité pour la faire glisser du côté de l’intemporalité, là où s’inscrit cette fameuse intimité étrange si prégnante et identifiable dans la photographie de Guibert.


Hervé Guibert, Table de travail «fantômes», n.d © Christine Guibert. Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Outre la diversité des éléments dont recèle cette table, et la multiplicité des pistes qu’elle autorise à suivre pour percer l’énigme Guibert, la photographie distille une forme de mystère, autant niché dans la fixation de la lumière que dans l’équilibrisme de sa composition. Une lumière puissante et de biais qui vient éclabousser les outils, la machine à écrire et certaines des images, épaississant – paradoxalement – le mystère de l’image. De même, l’ordre instable de tous ces objets, que contraste le vide d’une page blanche éblouissante confère au cliché un sentiment irrégulier, situé dans l’interstice entre le trop-plein et le trop-vide. 

Il y a donc bien quelque chose de profondément inexplicable, d’indicible dans cette Table de travail « fantômes » (ainsi intitulée). Le poids d’une absence, comme le suggérerait peut-être son titre, ou seulement l’enchevêtrement des états d’une vie tourmentée ? L’exercice de l’autofiction cher à l’écrivain semble ici s’inverser pour brouiller sensiblement la lecture de l’image. Le degré de mise en scène en devient indiscernable, et seule demeure alors l’étrangeté, solaire.

Par Anne Laurens

Hervé Guibert. De l’intime.

24 janvier – 14 mars 2020

Galerie Les Douches, Paris Xème, France

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