
De Frank Sinatra, tirant sur une cigarette, l’oeil perdu – à Mohamed Ali, sûr de lui-même, mais puni par l’éternel rival Joe Frazier ; des nuages oranges de l’explosion de bombes au napalm en pleine guerre du Vietnam à Bobby Kennedy qui court sur une plage aux reflets bleus, accompagné de son chien ; de Picasso à Churchill ; de Gandhi à Guevara ; des routes à des cieux ; des animaux à des anonymes – c’est un véritable trésor que cette première vente aux enchères des photographies de LIFE.

C’est une fabuleuse proposition de ce qui a fait voyager, ce qui a ému, impressionné, les millions de lecteurs de cet unique magazine qui, de 1936 à 1972, a permis à de talentueux photographes de parcourir le monde et le reproduire grâce à leur oeil, leur don, leur courage. Pour la première fois en Europe, une sélection des meilleures photos de LIFE sort des archives et s’expose au public, et cela se passe en France, à Paris, en pleine Semaine de la Photographie (qui est cette année toutefois bien différente).
Qu’est-ce que donc, ou plutôt, qu’est-ce qu’a été ce « LIFE » ? Inventé par un génie de la presse américaine, Henry Luce, qui lança aussi TIME, et qui sut mettre à sa Une – et à l’intérieur – ce qui faisait l’air du temps, l’air de plusieurs époques – des années d’avant-guerre, des 50’s et des 60’s et au-delà – « couvrant », comme on dit, en termes journalistiques, aussi bien la mode que la peinture, la politique que la littérature, le sport que la guerre, le déroulement de l’actualité, et le pouls du monde.
LIFE fut le pionnier de cette forme de magazine (dont s’inspira, très bien, « Paris Match »). Sa force, sa puissance de feu ne s’arrêtaient pas aux seuls clichés de ses photographes. C’est ainsi que « Le Vieil Homme et la Mer » de Hemingway y fut imprimé avant même qu’il soit publié en livre – ce qui contribua, peut-être, à l’obtention du Prix Nobel de littérature.

LIFE était donc un instrument, une machine de pouvoir et d’influence, une lecture de la nature humaine. Ceci grâce à des signatures prestigieuses, celles de ses photographes, de véritables auteurs des quelque 200 oeuvres qui sont aujourd’hui proposées. Ils furent les légendes de leur métier. Alfred Eisenstaed, considéré comme le père du photojournalisme. Larry Burrows, le plus grand photographe de guerre qui a passé pendant 9 ans au Vietnam. Gion Milli, le virtuose du portrait. Margaret Bourke-White, la première femme photojournaliste, et tant d’autres : John Dominis, Allan Grant, Gordon Parks, tous à la poursuite de l’instant décisif, le geste inattendu, l’angle différent, la célébrité soudain dénudée, la lumière qui change une scène, le moment de pure vérité, voire de pure beauté.

Tous et toutes acharnés à la reproduction de la VIE, à la « LIFE ». Pouvait-on imaginer un plus beau titre de presse, quatre lettres en blanc sur fond rouge, un logo, une marque, un patrimoine, un héritage ?

Je me souviens, alors que j’étais étudiant étranger sur un campus américain, au milieu des années 50, nous attendions, chaque semaine, avec impatience et curiosité, la publication du nouveau numéro de « LIFE » et de cette ritournelle inventée par l’un d’entre nous :
C’est quoi la vie ? What’s LIFE ?
C’est un magazine. It’s a magazine.
Ça vaut combien ? How much is it ?
5 cents.
Ainsi donc, la Vie ne valait que 5 cents? Mais non, voyons! elle valait beaucoup plus. Elle était traduite et représentée par des artistes du réel, des capteurs du contemporain, des grands témoins de l’actualité et des célébrités : les photojournalistes, membres d’une corporation d’élite.
Le photojournaliste est un des princes de notre si beau métier. Le photojournaliste est le mémorialiste d’une société. C’est un chasseur de l’émotion, le révélateur de personnalités, l’historien d’un immédiat, qui devient alors, grâce à son talent, quelque chose d’universel. Travail exceptionnel, une oeuvre que l’on doit considérer comme un événement artistique.

Par Philippe Labro
Philippe Labro est écrivain, journaliste et cinéaste.
« L’oeil de LIFE magazine »
Du 11 au 14 novembre 2020 (L’exposition est maintenue)
Maison de Ventes Cornette de Saint-Cyr,
6 avenue Hoche, 75008 Paris
Sur rendez-vous pour la presse uniquement de 10h à 18h30 (jusqu’à 13h le samedi 14) Pour le public, une visite virtuelle est à découvrir sur le site cornettedesaintcyr.fr – Une très grande majorité des photographies bénéficient, de fiches documentées permettant une visite enrichie.
La vente sous le marteau d’Arnaud Cornette de Saint Cyr sera diffusée en live, samedi 14 novembre à 15h sur drouot.com.