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De Beyoncé à Burna Boy : l’afrofuturisme révolutionnaire de Daniel Obasi

Le photographe nigérian utilise l’art comme outil d’activisme social afin de confronter les systèmes de pouvoir utilisés pour opprimer les communautés vulnérables.

Du stylisme pour le film Black is King de Beyoncé à la couverture du chanteur Burna Boy dans le magazine Rolling Stone d’avril/mai 2022, le photographe, réalisateur et styliste nigérian Daniel Obasi est devenu l’un des principaux artistes de Lagos. Abordant les questions d’identité, de sexualité, et de masculinité, ses photographies militantes sont chargées d’optimisme et de possibles, quelques caractéristiques de l’afrofuturisme.

Daniel Obasi
Autoportrait © Daniel Obasi
Daniel Obasi
Autoportrait © Daniel Obasi

Dans une nouvelle exposition en ligne à la Homecoming Gallery, le commissaire Azu Nwagbogu, fondateur de l’African Arts Foundation et du Lagos Photo Festival, réunit une sélection d’autoportraits lumineux d’Obasi et d’images éthérées d’amis, conjuguant l’art, le portrait et la photographie de mode. Avec ces images, Daniel Obasi s’attaque aux notions de misogynie, d’homophobie, de racisme et de sectarisme, à l’origine de la violence politique dans son pays. 

Pour Obasi, la photographie est aussi un mode d’expression très personnel, par lequel il souhaite communiquer ses idées, et transformer son art en un outil d’activisme social. « La photographie doit inciter à en savoir plus, à interroger, à intriguer et à vouloir agir, ou simplement détendre, et rappeler au bon souvenir d’une émotion », explique-t-il.

La nouvelle avant-garde

Tel un romancier ou un poète, Daniel Obasi s’appuie sur les métaphores et le symbolisme pour confronter les structures de pouvoir, mais il le fait d’une manière lyrique – initiant un dialogue plutôt qu’une diatribe. « J’essaie de décomposer le récit, en m’appuyant sur des détails liés à la sexualité, dont il faut parler l’esprit ouvert. Je n’aime pas trop balancer les choses à la figure des gens. »

Daniel Obasi
Moments de jeunesse © Daniel Obasi

Ce faisant, Obasi échappe à la catégorisation qui cherche à compartimenter les artistes dans des cases faciles à commercialiser, tel « l’art » et « la mode », comme si elles ne pouvaient pas être confondues. « Je n’aime pas l’idée de mettre une étiquette sur mon travail », déclare Obasi, qui est l’un des 15 artistes présentés dans le livre novateur d’Antwaun Sargent, « The New Black Vanguard : Photography between Art and Fashion »

Les images hypnotiques d’Obasi remettent ainsi en question les perceptions de la race, du genre et de la sexualité, tout en embrassant la possibilité d’une voie meilleure. Une voie libérée des vestiges du colonialisme qui a dévasté le continent africain pendant des siècles. À travers le prisme de l’afrofuturisme, qui opère en dehors de toute construction occidentale, Obasi crée un espace libéré des contraintes sociales et politiques.

« Daniel Obasi fait partie d’une poignée d’artistes talentueux qui créent des artefacts importants de notre époque, que ce soit par le biais du cinéma, de la photographie ou du texte », explique le commissaire Azu Nwagbogu. « Son approche de la création d’images est empathique et singulière et s’adresse à un public le plus large possible. L’image que j’ai choisie d’accrocher chez moi représente exactement cela. C’est la perfection. L’immobilité en mouvement. Elle me parle. »

Affronter les couloirs du pouvoir

Daniel Obasi
Moments de jeunesse © Daniel Obasi
Daniel Obasi
Symphonie et harmonie de l’espace © Daniel Obasi

Conscient que la création d’images peut lui procurer un sentiment d’appartenance et d’identité dans un monde qui a déformé, marginalisé ou effaçé son identité, Daniel Obasi a compris que la meilleure façon de contrôler son récit était de le raconter lui-même. « Des gens racontent des expériences merveilleusement réalistes sur le Nigeria et en tant qu’Africains, mais je n’ai pas vu beaucoup de questions sociétales abordées dans les médias grand public. Les artistes décrivent les problèmes auxquels ils sont confrontés et comment ils essaient de les surmonter », développe Daniel Obasi. « Nous souhaitons faire entendre nos voix, mais peu de gens sont prêts à prendre ce risque. Quand on regarde autour de nous, il n’y a pas beaucoup de plateformes locales. Cela renforce la nécessité d’en créer une. Nombre d’individus voient le monde de la même manière que vous. Je voulais montrer des images d’un point de vue très spécifique, et j’avais l’impression d’en avoir le contrôle parce que j’ai une façon unique de faire les choses. »

Avec la photographie Corridors of Power, Daniel Obasi examine la manière dont les structures de pouvoir – telles que la politique, la religion ou le mariage – influencent la sexualité, la masculinité, et l’amour. « Le tribunal décide qui vous pouvez épouser et si vous avez le droit d’avorter, des décisions qui affectent tout un chacun », dit-il. 

Daniel Obasi
Les couloirs du pouvoir © Daniel Obasi

Une nouvelle génération d’artistes émerge également sur tout le continent. Ils ont une conception de l’identité qui leur est propre, rendant hommage à leurs peuples et à leurs nations, en se réappropriant leurs histoires. « Être capable de créer sa propre voix est une chose énorme », dit Obasi. « C’est incroyable de faire partie d’une génération d’artistes nigérians qui contribuent à faire bouger les lignes pour les jeunes. Ils aspirent au meilleur et sont extraordinaires. Cette génération s’affranchie des gardien du temple. »

Les œuvres de Daniel Obasi sont en ligne à la Homecoming Gallery.

Daniel Obasi
Mami Wati © Daniel Obasi

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