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Éloge de la communauté LGBTQ de Londres, des années 1980 à aujourd’hui

Une nouvelle exposition rend hommage aux personnes qui ont fait avancer la cause au Royaume-Uni.
Out & About
Trans Pride de Londres, 26 juin 2021 © Angela Christofilou Archive, Bishopsgate Institute

Apprenant qu’Anne Boleyn est enceinte de lui en janvier 1533, Henri VIII l’épouse secrètement et annule son mariage avec Catherine d’Aragon – acte qui fait sortir l’Angleterre de l’Église catholique. L’année même où le roi rompt les pactes sacrés au nom du patriarcat, le Parlement britannique adopte la loi sur la sodomie, l’interdisant dans tout le pays et, par extension, dans ce qui allait devenir l’Empire britannique. 

Pendant plus de 300 ans, l’homosexualité est criminalisée, les condamnations en vertu de cette loi étant passibles de la peine de mort. Ce n’est qu’en 1861 que le gouvernement britannique adopte la loi sur les infractions contre la personne, remplaçant la peine capitale par un minimum de dix ans de prison. Cette « avancée » est de courte durée. En vertu de la loi de 1885, tout acte homosexuel masculin est considéré comme illégal, qu’il y ait ou non un témoin. Tout ce dont le tribunal a besoin pour poursuivre une personne est une simple preuve, comme une lettre relatant l’affection entre deux hommes. 

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Marche lesbienne, Londres, 1982

Dix ans plus tard, le célèbre écrivain Oscar Wilde est arrêté, reconnu coupable et condamné à deux ans de travaux forcés en vertu de cette même loi. Il meurt dans la misère trois ans après sa libération, à l’âge de 46 ans. Le destin tragique de Wilde illustre celui de tant d’autres qui n’ont ni la notoriété ni la capacité de faire connaître leur cas. Pourtant, la persécution britannique de l’homosexualité ne cesse pas. En 1967, finalement, le gouvernement décriminalise les actes homosexuels entre hommes de plus de 21 ans – une mesure prise à la suite du rapport Wolfenden de 1957 qui avait reconnu que l’homosexualité n’était pas une maladie – des décennies avant les États-Unis.

Dire son nom

Cependant cette avancée a été de courte durée, car le gouvernement britannique trouve rapidement de nouveaux moyens de cibler la communauté LGBTQ. Il utilise la Street Offences Act datant de 1959, une ordonnance anti-prostitution, pour poursuivre les hommes qui se rencontrent dans la rue. Puis, alors que l’épidémie de sida fait rage, les politiciens conservateurs légalisent la section 28 de la loi de 1988, qui interdit aux autorités locales et aux écoles de « promouvoir » et de financer les initiatives LGBTQ, ce qui marginalise encore davantage les communautés vulnérables.

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Participant au Roadshow sur le VIH devant l’hôtel de ville de Hackney, le 30 novembre 1990. © Gordon Rainsford Archive, Bishopsgate Institute

Il faut attendre février 2003 pour que la section 28 soit finalement abrogée –  un acte qui marque le début du Mois de l’Histoire des LGBTQ. L’année suivante, le vent commence à tourner avec la loi sur le partenariat civil et la loi sur la reconnaissance du genre, qui permettent aux personnes transgenres de bénéficier d’une pleine reconnaissance juridique. La loi sur l’égalité de 2010 étend la protection juridique des employés LGBTQ au travail et la loi sur le mariage (couples de même sexe) de 2013, leur permet de se marier, enfin. 

Si la visibilité des LGBTQ est le résultat de ces actions, il est trop facile d’oublier ou de négliger les forces révolutionnaires qui ont exigé l’égalité des droits. La nouvelle exposition « Out & About ! Archiving LGBTQ+ history at Bishopsgate Institute », à voir à Londres, rend hommage aux personnes qui ont ouvert la voie à de véritables avancées, en se concentrant sur les individus, les collectifs et les organisations qui ont lutté pour le changement.

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Participants au concert de Marc Almond à la boîte de nuit Heaven, le 7 octobre 1982. © Robert Workman Archive, Bishopsgate Institute
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Participant à la soirée Sex au Café de Paris, le 15 janvier 1993. © Gordon Rainsford Archive, Bishopsgate Institute

En mettant également en lumière le travail des photographes Robert Workman et Gordon Rainsford, de l’acteur Ivan Cartwright, ainsi que de groupes tels que OutRage!, Transfabulous et Switchboard, l’exposition rassemble des photographies inédites, des journaux intimes et des documents montrant la communauté queer de Londres dans les rues et les clubs, qui affichait sa vérité au pouvoir, en refusant de se cacher. 

Qu’il s’agisse de défiler lors de la Gay and Lesbian Pride, de manifester devant le Parlement, d’organiser une conférence nationale sur les problèmes rencontrés par les homosexuels noirs, de célébrer la Trans Pride ou simplement de danser jusqu’au bout de la nuit, « Out & About ! » dévoile des histoires et des points de vue longtemps marginalisés. En récupérant ces histoires, l’exposition montre clairement que l’amour qui autrefois n’osait pas dire son nom est désormais libre de se crier sur tous les toits. 

L’exposition « Out & About ! Archiving LGBTQ+ history at Bishopsgate Institute » est présentée à The Curve, Barbican Centre à Londres, jusqu’au 21 mars 2022.

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LGBTQ+ badges datant de 1982 et plus, issus de protestations et de campagnes Archives LGBTQ+, Bishopsgate Institute

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