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Janet Delaney, le village new-yorkais des années 1980

Janet Delaney saisit l’atmosphère de quartier de la grande ville, dans une série lyrique de photographies de rue.
« Manhattan Bridge » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

En 1971, le New York Times publie The Decline and Decline of New York, dans lequel l’auteur se plaint de la récession qui deviendra incontrôlable et conduira la ville au bord de la faillite quatre ans plus tard. « Manhattan, la cosmopolite, la ville mondiale, a perdu de sa splendeur », écrit alors Roger Starr, annonçant la tendance à venir des journalistes déplorant la « fin » de New York dans les décennies à venir.

Mais comme l’a dit l’écrivain Mark Twain : « La nouvelle de ma mort est très exagérée. » Et même un genou à terre, ce n’est pas la fin de New York pour autant. Parce que cette ville ne se repose jamais sur ses lauriers, puisant ses ressources dans le mot « nouveau ». Parce que tout y bouge à un rythme effréné, les anciens peuvent avoir l’impression que l’âge d’or est passé – mais les jeunes et les nouveaux arrivants le savent : c’est ici et maintenant que ça se passe.

« Les tours jumelles et un camion » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
« Un café et un sandwich à Union Square » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

Pour la photographe américaine Janet Delaney, 1971 est une année de changement quand, pour la toute première fois, elle prend un vol de nuit de San Francisco à New York. Puis, descendant dans la rue, elle tombe amoureuse de New York, et se met à la photographier, capturant des scènes tranquilles de la vie quotidienne au milieu du chaos de Manhattan.

À travers son regard, on a l’impression, dans son nouveau livre, Red Eye to New York (MACK), de vivre dans une petite ville à la toile de fond majestueuse. Même si l’architecture est grandiose, Delaney déniche ces moments du quotidien qu’on partage tous : un petit-déjeuner dans un restaurant ensoleillé ; des enfants jouant après l’école ; un moment de répit chez le boucher ; un après-midi d’été caniculaire au parc. Utilisant un Rolleiflex, Delaney immortalise l’intimité de New York tout en préservant sa grandeur à une époque où la ville lutte pour sa survie.

« Quatre enfants, deux poupées » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

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À la fin des années 1970, Janet Delaney s’installe dans le quartier SoMa à San Francisco, à une époque où il abrite encore des industries. Elle trouve un emploi chez Frog Prints, un laboratoire photo situé dans le Financial District, où elle réalise des tirages couleur pour les agences de publicité voisines. De temps en à autre, elle reçoit un appel de Rudy, un ami de fac qui a déménagé à New York pour devenir peintre. Pour subvenir à ses besoins, Rudy travaille comme coordinateur des expéditions pour DHL, un job qui lui permet de passer des contrats avec des coursiers indépendants pour les livraisons à travers le pays.

« De temps en temps, il m’appelait et me demandait si je voulais prendre le prochain vol de nuit pour New York », raconte Delaney. « Je répondais toujours oui. Je n’étais jamais certaine de la cargaison que j’accompagnais. Je savais seulement qu’un billet m’attendrait au comptoir et que, cinq heures et demie plus tard, j’atterrirais à JFK. »

 « Autoportrait dans des toilettes publiques » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
« South Street avec des immeubles de grande hauteur » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

Sortant de l’aéroport à l’aube, Delaney prend une navette DHL de Brooklyn à New York, poursuivant son chemin de l’entrepôt de la société dans le quartier de Meatpacking jusqu’à l’appartement du cinquième étage de son amie Barbara dans le Lower Manhattan. « Barbara, qui est née à Brooklyn, sert de guide touristique lors de ces visites, véritable encyclopédie ambulante, capable de raconter les anecdotes redonnant vie aux bâtiments anodins croisés en chemin. Et quand Barbara est occupée, Janet se lance seule dans les rues », écrit la conservatrice de musée Amanda Maddox dans le livre.

« Les trottoirs sentent généralement la fumée ou le soufre – en d’autres termes, une odeur de mort – alors que l’air de SoHo se raréfie, cependant elle se sort toujours vivante de ces balades dans la ville. C’est un endroit où les gens peuvent être seuls sans se sentir isolés. Son appareil photo saisit ces New-Yorkais qui dînent ou se promènent seuls, suggérant que la ville est peuplée de cœurs solitaires, sans pour autant être rongée par la solitude. »

Par Miss Rosen

Miss Rosen est journaliste. Basée à New York, elle écrit à propos de l’art, la photographie et la culture. Son travail a été publié dans des livres et des magazines, notamment Time, Vogue, Artsy, Aperture, Dazed et Vice.

Red Eye to New York de Janet Delaney est publié par MACK, 35 €, 40 $.

« Janet Delaney: New York in the 80s », du 15 janvier au 26 février 2022, chez Equinom Gallery, à New York.

« Charrette à saucisses près de City Hall » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
« Policier, SoHo » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK
« Kiosque à journaux dans la gare de la 34e rue » de Red Eye to New York (MACK, 2021). © Janet Delaney. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de MACK

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