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L’âge d’or hollywoodien, par Phil Stern et Bob Willoughby

L’âge d’or hollywoodien, par Phil Stern et Bob Willoughby

Les photographies de deux des plus grands chroniqueurs d’Hollywood s’exposent à la galerie Fahey/Klein de Los Angeles. L’occasion d’une plongée au temps du star-system, une époque faite de glamour, de rêves et d’idéaux.
Marilyn Monroe et le réalisateur George Cukor discutent sur le plateau de Lets Make Love, 1960 © BOB WILLOUGHBY

De James Dean à John Fitzgerald Kennedy, en passant par Marlon Brando, Frank Sinatra, Marilyn Monroe ou encore Judy Garland et Audrey Hepburn… Phil Stern (1919-2014) et Bob Willoughby (1927-2009) ont marqué une rupture avec la tradition de l’image glamour hollywoodienne. Ces pionniers de la photographie du 20e siècle ont su réaliser des images à la fois intimes, sensibles et puissantes, nourrissant l’histoire et la culture populaire américaine, dans une approche stylistique différente. Entre amour du médium, ambitions artistiques et pratiques artisanales, ils ont vécu et immortalisé l’âge d’or du cinéma et l’effervescence de la scène jazz. C’est ce que met en lumière l’exposition « Picture’s Up » à la galerie Fahey/Klein à Los Angeles, présentant une collection de photos mythiques que ces deux photojournalistes ont produites tout au long de leur carrière.

La signature Phil Stern

James Dean (Feet Up), 1955 © PHIL STERN

« Je recherche toujours la perfection. Tout photographe, d’une manière ou d’une autre, s’il est consciencieux, également. Il ne l’atteindra jamais. Mais l’espoir fait vivre. », confie t-il en 2003 à un journaliste du Los Angeles Times. Une phrase devenue depuis une citation mémorable. Le plus fascinant chez Phil Stern, c’est sa capacité à créer des images instantanément iconiques. Elles sont aujourd’hui tellement ancrées dans l’imaginaire collectif qu’elles semblent vivre et exister par elles-mêmes, s’affranchissant presque de leur légataire légitime.

Ce natif de Philadelphie, décédé en 2014 à Los Angeles à l’âge de 95 ans, a immortalisé l’aura de cette époque où s’entremêlent portraits de stars, personnalités politiques, jazz(wo)men et champs de bataille pendant la Seconde Guerre mondiale. Car avant de devenir ce « Chronicler of Cool », comme beaucoup le surnomment, Phil Stern a servi dans les Darby’s Rangers, travaillant comme photographe de combat au sein de ce 1er bataillon de l’armée américaine. À son retour, le magazine Life le recrute pour couvrir la réhabilitation sociale d’après-guerre. Tout comme les revues Look et Collier’s, et sa seconde carrière démarre.

John Wayne (en short en train de fumer), Acapulco, 1959 © PHIL STERN
Sammy Davis Jr. dansant sur un toit d’Hollywood (Sidekick), 1947 © PHIL STERN

On lui doit ainsi pléthore de photos prises sur plus d’une centaine de films emblématiques, tels que Citizen Kane, Certains l’aiment chaud, Qu’est-il arrivé à Baby Jane, De Sang froid ou encore West Side Story. Qu’il s’agisse de l’expression à la fois émue et triste de Marilyn Monroe, de John Wayne en short et en espadrilles à carreaux ou d’un saut de danse de Sammy Davis Jr., ses clichés ont toute cette signature personnelle, unique et reconnaissable à Phil Stern. Comme le précise David Fahey, directeur de la galerie Fahey/Klein : « Il a un sens inné pour obtenir le particulier. Il est clairement l’un des photographes les plus importants de l’Ouest américain. »

Bob Willoughby à l’avant-garde

Portrait d’Audrey Hepburn en chapeau de cow-boy sur le plateau de Green Mansions, 1958 © BOB WILLOUGHBY

« Parfois, un cinéaste regarde une photographie prise sur son plateau et voit l’« âme » de son film. C’est rare, mais ça arrive. Cela m’est arrivé en 1969, la première fois que j’ai vu le travail de Bob Willoughby pendant le tournage de On achève bien les chevaux », écrit l’acteur-réalisateur Sydney Pollack dans la préface du livre du photographe, The Star Makers On Set with Hollywood’s Greatest Directors (Merrell Publishers, 2003). Et c’est encore peu dire à la vue des clichés de celui qui est considéré comme le premier photographe de plateau extérieur, embauché à Hollywood. Né à Los Angeles, décédé dans sa maison à Vence, en France, en 2009, il a inventé le portrait de célébrité tel qu’il existe aujourd’hui. Comparées aux photos de Robert Coburn ou encore de George Hurrell, qui représentent le glamour scintillant dans une esthétique posée, celles de Bob Willoughby révèlent la spontanéité et la vulnérabilité des superstars.

Pearl Baily et le chorégraphe Herb Ross sur le plateau de Carmen Jones, 1954 © BOB WILLOUGHBY

Si sa carrière démarre auprès des grands jazz(wo)men, elle décolle véritablement lorsque Warner Bros l’assigne à photographier Judy Garland sur le tournage de A Star Is Born. Son cliché de l’actrice américaine, de profil, en couverture de Life, fait alors date. À ce moment, le portraitiste devient l’un des plus convoités, enchaînant les tournages sur plus d’une centaine de films notables, tels que Le Lauréat, My Fair Lady, Qui a peur de Virginia Woolf ?, La Fureur de vivre, Bonjour Tristesse… Mais Bob Willoughby est aussi un innovateur, développant des technologies photographiques pendant les prises. À l’exemple du Sound Blimp, pour insonoriser le bruit de l’obturateur, et de la caméra à distance lui permettant d’accéder à des endroits autrement impossibles à photographier. Son style naît ainsi de sa compréhension du cinéma, de l’art, de la technique et de l’être humain, pour des images intimes qui reflètent la personnalité et les émotions de ses modèles.

Frank Sinatra devant des tables de craps à l’hôtel Sands, Las Vegas, 1960 © BOB WILLOUGHBY

Deux photographes incontournables donc, qui ont su, chacun à sa manière, documenter l’histoire du cinéma et donner au public un accès inédit aux coulisses inaccessibles de l’âge d’or hollywoodien.

Par Nathalie Dassa

Phil Stern & Bob Willoughby: Picture’s Up. Fahey Klein Gallery à Los Angeles, États-Unis. Jusqu’au 22 janvier 2022.

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