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L’intime comme boussole 

Dix projets qui partent tous de l’intime sont à découvrir dans le cadre du Prix Découverte Louis Roederer aux Rencontres d’Arles 2022.

Passage incontournable des Rencontres d’Arles, la sélection du Prix Découverte Louis Roederer présente dix artistes émergents associés à des galeries, des musées, des centres d’art, des espaces associatifs et des lieux indépendants. L’édition 2022 « ne s’attache ni à une thématique, ni à un genre en soi, mais à une attitude des photographes sélectionné·e·s, face à la création d’images (…) les artistes partent tou·te·s de l’intime. Des traumatismes aux deuils, en passant par la (re)définition d’un soi-artistique, le spectre est large, mais ils ou elles ont un point commun : leur expérience est leur expertise. » écrit la commissaire Taous Dahmani qui avec la scénographe Amanda Antunes ont mis en scène les dix projets retenus à l’église des Frères-Prêcheurs. Retour sur trois séries pour Blind Magazine.

Rahim Fortune

Rahim Fortune. Billy & Minzly, I can’t stand to see you cry series, 2020. © Courtesy Sasha Wolf Projects and the artist.
Rahim Fortune. Gem’s Arm, I can’t stand to see you cry series, 2020. © Courtesy Sasha Wolf Projects and the artist.

Travail autobiographique nourri d’histoire, la série « Je ne supporte pas de te voir pleurer » du photographe Rahim Fortune (dont la série a déjà été publiée dans un livre édité par Loose Joints) est une exploration du Texas et des États environnants. Comme point de départ, il y a le retour du photographe au chevet de son père malade. « Un an et le diagnostic du père s’est transformé, ses appels nocturnes ont commencé à devenir plus fréquents. Ma sœur et moi, ses plus jeunes enfants, avons passé d’innombrables heures dans sa chambre à prendre soin de lui alors que son corps l’abandonnait. De nombreuses nuits, nous quittions sa chambre tous deux en sachant que son état empirait, mais nous avons choisi de ne rien dire. » Le monde vit alors l’expérience de la pandémie, les États-Unis sont sous le choc du meurtre de George Floyd et Rahim Fortune perd son père. Dans un style documentaire, le photographe capture en noir et blanc le monde qui l’entoure, de l’intime au politique, et tente à la fois de réconcilier et d’affirmer une identité qu’il se construit au fil des images. Bouleversant.

Seif Kousmate

Seif Kousmate.  « Hassan and Abderrahman [Hassan (left) and Abderrahman are brothers from the Tighmert oasis. After the death of their father in 2013, Hassan left school and took on the responsibility of the family. Abderrahman the youngest brother dreams of leaving the oasis to join his two older brothers abroad. He sees his future elsewhere and considers that the land of the oasis does not pay for the effort you put into it], Tighmert, Morocco, September 2020, from the series Waha (Oasis) ». © Courtesy Seif Kousmate.

Co-lauréat du Prix 6Mois du photojournalisme 2021, Seif Kousmate présente sa série « Waha » (« oasis », en arabe) où il pose son regard sur son pays, le Maroc. Résultat de trois ans de recherche, « Waha » est un « essai qui explore l’impact du changement climatique et de la globalisation dans les territoires oasiens au Sud du Maroc. » Seif Kousmate s’est rendu dans une dizaine d’oasis afin de rencontrer les communautés locales et de comprendre leur quotidien. Ancien ingénieur et photographe autodidacte, il a développé une « approche sensorielle afin de mieux rapprocher l’audience de l’énergie de ces lieux et de l’environnement de ces territoires ». Pour exprimer de manière subtile la dégradation de ces points d’eau, il contamine ses images à l’acide et les trouble en se servant des reliquats de la flore locale. Ainsi, fond et forme, sujet et matière se fondent dans une série que le photographe résume par un mot : « Espoir » auquel il ajoute : « Tant qu’il y a encore de la vie dans ces lieux, il y a encore l’espoir de les conserver. »

Daniel Jack Lyons

Daniel Jack Lyons. Pet Crocodile, August 2019, Like a river series. © Courtesy Loose Joints and the artist.
Daniel Jack Lyons. Wendell in Drag, July 2019, Like a river series. © Courtesy Loose Joints and the artist.

Au cours des trois dernières années, le photographe américain Daniel Jack Lyons a travaillé au cœur de l’Amazonie brésilienne « en particulier le long d’une rivière appelée Tupana. » Sur place, il a rencontré des artistes, des jeunes queer et trans partagé·e·s entre espoirs et désillusions, corseté·e·s par les traditions et les héritages, qui vivent en marge de la société. Daniel Jack Lyons leur a proposé de réaliser leurs portraits, en laissant ses modèles choisir le lieu de la séance, les tenues, et les poses, de sorte qu’ils ont construits ensemble les images. Lui-même membre de la communauté LGBT, le photographe a créé un espace sécurisant, ouvrant le champ des possibles quant à la représentation de soi. Daniel Jack Lyons a voulu montrer ici un autre visage de l’Amazonie, un point de vue neuf sur cette région afin que le public « découvre quelque chose qu’il n’a jamais vu auparavant et envisage peut-être ce territoire d’une manière différente. » La série « Comme une rivière » – hommage au poète Thiago de Mello, né dans la région amazonienne – devient un espace de respiration, de liberté pour une jeunesse en mal d’exister.

Prix Découverte Louis Roederer 2022, Église des Frères-Prêcheurs, Arles. Jusqu’au 25 septembre 2022 (Rencontres d’Arles 2022).

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