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Mário Macilau : les fantômes de l’Afrique

Figure-clé de la nouvelle génération d’artistes mozambicains, Mário Macilau est lauréat du Prix James Barnor 2023. Il s’est distingué par sa photographie crue, mettant en lumière les questions d’identité, de problématiques politiques et de conditions environnementales au Mozambique et ailleurs.

Chaque année, la Fondation James Barnor décerne un Prix photographique qui récompense un artiste originaire d’une région différente du continent africain. Lors de la première édition du prix, en 2022, la photographe béninoise Sènami Donoumassou avait remporté une bourse de 10.000 €. Cette année, c’est Mário Macilau, photographe originaire du Mozambique, qui a séduit le jury avec trois de ses séries photographiques : « Circle of Memories », « Faith » et « Growing on Darkness ».

« Je crois que nous, les Africains, devons commencer à raconter notre propre histoire par nous-mêmes, sinon nous continuerons à être les sujets des représentations des autres »

La tradition photographique du Mozambique révèle une approche profondément humaniste des questions sociales. Mário Macilau s’inscrit précisément dans cette mouvance, revendiquant une photographie « non seulement en tant qu’objet esthétique, mais aussi en tant qu’outil d’influence positive. » Dans un entretien avec Gabriela Salgado, conservatrice et consultante, il  déclare : « Je crois que nous, les Africains, devons commencer à raconter notre propre histoire par nous-mêmes, sinon nous continuerons à être les sujets des représentations des autres. »

© Mário Macilau
Faith © Mário Macilau
© Mário Macilau
Faith © Mário Macilau

Si le travail de Mário Macilau gravite autour des questions sociales et politiques, en particulier celles les droits de l’homme et des conditions environnementales, on y retrouve quasi systématiquement le motif de l’oubli. Avec le portrait pour point de départ, il redonne une voix, un visage et une dignité aux oubliés, les « fantômes de la société » négligés par le système social du pays. Derrière ses images, des histoires cachées se dévoilent. 

« La photographie a toujours eu une relation fascinante avec la vie, où elle complique, éclaire ou même dissimule les choses. C’est le rôle du photographe de faire preuve d’un niveau de sensibilité et de cohérence à l’égard de son support et de son sujet qui déterminera ce qui est rendu visible par ces fissures et ainsi révélé à la psyché collective », écrit Roger Ballen en introduction de Growing in Darkness. Dans ce premier livre publié en 2015, Mário Macilau documente la vie des enfants sans-abri de Maputo, sa ville natale au Mozambique. Lui-même ancien enfants des rues, il désirait s’immerger dans leurs lieux de vie afin de comprendre leur quotidien, capter leurs voix et connaître leurs rêves. Vivant comme des nomades, ils se déplacent d’un abris à un autre, toujours dans la crainte d’être délogés par la police. Durant quatre ans, le photographe a arpenté les vieux bâtiments abandonnés du centre-ville de Maputo, occupés par les enfants.

© Mário Macilau
Growing in Darkness © Mário Macilau
© Mário Macilau
Growing in Darkness © Mário Macilau

Avec la série « Circle of Memories », cette fois les fantômes ne sont pas des personnes, mais le spectre d’une idéologie ratée : l’activité immorale du colonialisme et son caractère violent au nom du progrès. Autres fantômes, ceux des croyances religieuses traditionnelles, qui semblent occuper une place importante dans la vie quotidienne du Mozambique d’aujourd’hui. Dans sa série « Faith », le photographe s’intéresse à la pratique contemporaine de l’animisme, croyance selon laquelle l’univers et les choses, détiennent une âme analogue à l’âme humaine. Enveloppés dans des draps, recouverts de poudre, de peinture ou de bougies, les sujets et les individualités disparaissent pour laisser place aux esprits. Avec un œil bienveillant, Macilau capture toute la beauté et l’inquiétante étrangeté de ces cérémonies ancestrales. 

Noirs sur blanc, blancs sur noir, les visages surgissent et s’imposent. Les images de Mário Macilau sont le reflet du monde dans lequel il a grandi, un monde rude fait d’obscurité et de lumière. Adepte du monochrome, il assume d’ailleurs ce parti-pris : « Avec la photographie en couleur, toute notre attention est concentrée sur la première étape, de sorte que l’image commence à s’estomper lorsque nous la quittons, alors qu’en noir et blanc, nous sommes plus susceptibles d’absorber les détails et la signification profonde et poétique de l’image et de la conserver dans notre mémoire. » 

Circle of Memories © Mário Macilau
Circle of Memories © Mário Macilau
Circle of Memories © Mário Macilau
Circle of Memories © Mário Macilau
© Mário Macilau
Faith © Mário Macilau
© Mário Macilau
Faith © Mário Macilau
© Mário Macilau
Two Boys With a Fish”, Baie de Maputo, Mozambique, 2018. De la série “Faith”. © Mário Macilau

Toutes les informations sur James Barnor et sa Fondation sont à retrouver sur son site internet.

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