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Mous Lamrabat : luxe & bled

Le travail de Mous Lamrabat mêle héritage culturel traditionnel, influences occidentales et luxe ostentatoire. Son univers coloré et subtilement provoquant s’installe à Toulouse dans une exposition à la Galerie Le Château d’Eau, du 2 juin au 27 août 2023.

Une femme porte un voile intégral qui lui couvre l’entièreté du visage, à l’exception des yeux. Le niqab rouge écarlate est floqué du logo de superman, comme un costume de super-héros. Derrière elle, le paysage ocre évoque les origines de Mous Lamrabat. Né au Maroc, le photographe a grandi et étudié en Belgique. Se décrivant comme un « citoyen du monde », sa double culture est son inspiration directe. Représenté par la Galerie Loft de Casablanca, l’artiste présente pour la première fois une exposition en France. 

À Gand, Mous Lamrabat grandit dans un milieu très traditionnel, empreint de la culture pop des années 1990. Une décennie riche et folle pour la culture populaire où il puise la majorité de ses inlfuences. Notamment dans la musique et le Hip-hop. « Tout était extravagant. À l’époque, les marques ne voulaient pas être associées aux rappeurs. Ils ont dû créer leur propre style et c’était presque encore plus tendance. C’est comme s’ils avaient créé la mode à partir de rien. » 

Heads up, 2021. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
Heads up, 2021. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
X-Rated #10, 2022. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
X-Rated #10, 2022. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat

Ode à l’amour

De designer d’intérieur à photographe, il n’y a que 28 mm. C’est après avoir vu le documentaire de l’artiste JR, 28 millimètres. Portrait d’une génération, que Mous Lamrabat décide de quitter ses études de design pour se lancer dans la photo. « Je me suis dit “demain je vais aller au marché et acheter un appareil photo”. C’était un Nikon F99, ça valait environ 40 €. C’était un appareil photo argentique, je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait donner, mais je n’avais pas assez pour un numérique. »

Mous Lamrabat apprend en autodidacte, grâce à Internet. S’il n’a pas étudié la photo, il a toujours aimé la mode et les vêtements. Il s’approprie les codes pour mieux les détourner. Fidèle à ses racines. Ainsi, même lors du vernissage, ce n’est pas la virgule Nike qui sigle sa casquette, mais bien le symbole « amour » en arabe. Et il le revendique : « Les gens cherchent un sens à mes photos. Le message c’est l’amour, tout le temps l’amour. » 

To the Moon and Back #2, 2021. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
To the Moon and Back #2, 2021. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat

Souvent, il se balade dans ses propres expositions. « Les gens ne savent pas qui je suis, alors j’écoute les conversations. J’apprends énormément de choses sur mon propre travail à travers les autres ! Je ne donne jamais d’explications, autrement on enferme la réflexion. » Pas d’encart explicatif, de texte ou de pamphlet : son travail est avant tout un besoin de s’exprimer. Photographe de mode ou photographe artistique, au fond peu importe. Par l’art, il peut se présenter tel qu’il est vraiment : « Plus j’ai grandi, plus j’ai réalisé à quel point mon travail résonnait avec d’autres personnes et leurs histoires personnelles. Aujourd’hui c’est presque devenu une responsabilité de continuer. »

Luxe, mode, et identités culturelles

Sur une image, un clown se tient le visage façon « Le Cri » de Munch, les mains couvertes par deux gants de boxe Louis Vuitton. « Je les ai achetés dans un souk », avoue Mous Lamrabat en riant. Il faut dire que le Maroc est le pays où on fabrique le plus grand nombre de contrefaçons au monde. Cela n’empêche pas Mous Lamrabat de collaborer avec des marques telles que Yves Saint Laurent Beauty, Burberry, Chanel et WhatsApp. Autrefois employé à McDonalds, Mous Lamrabat reprend aujourd’hui le logo du fast-food dans ses créations : tatoué au henné sur les mains, ou en guise de boucles d’oreilles, l’emblématique M est détourné et combiné avec des objets traditionnels marocains.  

Louis the Clown, 2021. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
Louis the Clown, 2021. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
Do you want fries with that, 2019. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
Do you want fries with that, 2019. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat

Christian Caujolle, directeur artistique de la Galerie du Château d’Eau qualifie le travail du photographe d’un « jeu sérieux mêlé à une grande légèreté ». Mous Lamrabat est en effet parfaitement conscient que le monde de la mode et du luxe ont radicalement changé ces 30 dernières années. Les maisons de luxe sont devenues d’énormes entreprises et les logos aussi importants que les noms des designers. L’artiste désamorce avec humour les questions de mondialisation ou d’uniformisation de la mode, montrant que, même modifiée par ces changements sociétaux, l’identité demeure. 

Mous Lamrabat, exposition à la Galerie Le Château d’Eau, du 2 juin au 27 août 2023.

Mashallah with extra cheese, 2021. Avec l'aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat
Mashallah with extra cheese, 2021. Avec l’aimable autorisation de Loft Gallery. © Mous Lamrabat