L’image d’archive pour matière première
Photographies, vieux livres, images publicitaires, la matière première de Ruth van Beek est l’archive photographique. À plusieurs endroits elle explique sa méthode : sonder les vieilles images (livres, manuels, etc.), les extraire de leur contexte et enfin, les assembler dans un décor nouveau – la plupart du temps sur un fond coloré. Formes, couleurs, matières ; son travail semble parfois dépasser la photographie ou le collage et emprunter à la sculpture. Ses compositions ouvrent sur une profondeur, une dimension nouvelle. Parfois qualifiées de surréalistes, ses productions témoignent avant tout d’une abstraction autour de la notion d’espace et de temps.
Rehearsal 1, 2014, vue d’exposition © Ruth van Beek and The Ravestijn Gallery
Le théâtre des images réanimées
En travaillant l’archive, elle cherche avant tout à questionner “l’animé et l’inanimé, le réel et la fiction, le temps passé et le maintenant”. Une démarche mue par la volonté de saisir l’essence insoupçonnée de ces images connues de tous mais oubliées, pour leur offrir une seconde vie, abstraite et poétique. Dans une interview qu’elle consacre à It’s Nice That en 2018, elle compare ainsi son travail à une mise en scène : le fond coloré serait la scène quand les formes d’images seraient les personnages. Et de résumer encore dans une interview accordée à Self Publish, Be Happy : “je suis intéressée par la façon dont l’être humain peut lire les images à un niveau subconscient. Comment le sens des images peut changer quand on les combine avec d’autres images.”
Cette volonté de réanimation se traduit par la production d’oeuvres uniques mais également de livres (comme pour mieux boucler une boucle). L’exposition, construite en écho à son ouvrage How To Do the Flowers permet de faire dialoguer les deux formats et de se faire vivre l’un l’autre, pour mieux jouer encore avec cette notion de re-mise en circulation.
Rehearsal 1, 2014 © Ruth van Beek and The Ravestijn Gallery
Par delà, le travail de van Beek nous amène délicatement à mener une réflexion sur notre capacité à trier, gérer et éventuellement à sublimer le flot d’images que nous absorbons chaque jour. Ce que formule très justement Marc Valli dans le n°26 du Foam Magazine “Nous vivons une période de “réchauffement culturel” dans laquelle l’excès d’information dans notre atmosphère condamne toutes les formes d’expériences à une extinction presque instantanée. C’est ici que le travail de Ruth van Beek intervient : sauver l’expérience, la sensation, la perception, la capacité même de sentir”.
Rehearsal 1, 2014, vue d’exposition © Ruth van Beek and The Ravestijn Gallery
Par Sophie Puig
Ruth van Beek, How to do the flowers Act II – Rehersal I
Du 27 mars au 3 mai 2019
NContemporary Milan, Via Lulli 5, 20131 Milan