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William Daniels, traquer la tension

William Daniels, traquer la tension

Le photojournaliste a eu carte blanche pour exposer son travail au Pavillon Carré de Baudouin à Paris. Dix ans de prises photographiques qu’il a décidé de montrer dans une élégante scénographie.

C’est une ambiance légère, calme et lumineuse qui ouvre l’exposition. William Daniels et la co- commissaire de l’exposition, Marie Lesbats, ont choisi d’entamer le parcours du visiteur par des photographies baignées de lumières et aux sujets doux. Cet homme à Bangui en Centrafrique qui va à la messe les deux pieds dans l’eau en traversant un fleuve. Cette forêt en Sibérie. Ces arbres en Ouganda. Ces pêcheurs au Bangladesh. La nature se mêle à l’humain dans une célébration de la dignité et de la beauté du monde.


Bangui, Centrafrique, 2014 © William Daniels 

Abris

Très vite, dès la deuxième salle, nous sommes cependant plongés dans ce qui fait le cœur du travail de William Daniels : la zone de tension. Tensions religieuses, ethniques ou politiques, elles alimentent le conflit dans des pays tourmentés. C’est le cas par exemple en Centrafrique où des familles trouvent refuge dans des abris de fortune en fuyant les combats entres milices chrétiennes et musulmanes. Ou bien au Kirghizistan qui a connu une révolution en avril 2010 et, au cours de laquelle, le palais présidentiel a été saccagé et pillé. William Daniels documente l’effet de ces conflits dans des tableaux sombres et précis. Il sait fixer le temps d’un mouvement, l’expression d’un visage, le geste d’un groupe.

Craquer

Il y a le portrait d’une dame âgée au Kirghizistan en 2007. Elle est en train de prier et pleurer et William Daniels nous dit qu’elle a comme « craqué » devant son objectif. Venue de Moscou, elle a dû s’installer dans ce pays dont elle ne connaissait rien afin d’occuper un emploi dans l’administration. « C’est comme si le fait de la photographier avait déclenché chez elle quelque chose… De la tristesse, une réflexion sur sa vie… » explique William Daniels. Un peu plus loin, c’est un jeune combattant libyen que le photographe immortalise. « C’est comme si, à cet instant, il se rendait compte que ce conflit était plus compliqué qu’il croyait » dit William Daniels.


Libye, 2011 © William Daniels 

Visage grave

La dernière salle est une véritable cerise sur le gâteau dans le parcours du visiteur. Une fresque immense, s’étalant sur près de 90m2, regroupe une trentaine de photographies. Là, tout un univers du conflit se déploie. Ce sont par exemple ces jeunes gens au Cachemire qui tire au lance- pierre sur les soldats de la région et qui sont fréquemment les victimes des représailles des autorités. C’est ce milicien blessé en Centrafrique, sur un lit d’hôpital, le corps ensanglanté. C’est ce visage grave, pointé vers l’horizon, plein d’une détresse intense : celui de Molia Banu, 60 ans, réfugiée rohingya au Bangladesh. Elle a fui son village brûlé par l’armée birmane et depuis, mendie au bord des routes. Un visage qui frappe l’esprit et qu’on emporte avec soi en sortant de l’exposition.


Kirghizistan, 2007 © William Daniels 

Par Jean-Baptiste Gauvin

William Daniels, Wilting Point 

Du 25 janvier au 11 avril 2019

Pavillon Carré de Baudouin, 121 Rue de Ménilmontant, 75020 Paris

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