Blind Magazine : photography at first sight
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La plus grande migration animale du monde (1/3)

Pour sa série d’été, Blind vous emmène avec le photographe et plongeur professionnel Alexis Rosenfeld dans une mission hors du commun portée par l’Unesco et la Fondation 1 Ocean. Une mission à la rencontre de la plus grande migration animale du monde à vivre en images et en récit à travers plusieurs épisodes.

C’est l’histoire d’un périple de 1 500 km, d’une odyssée marine unique au monde. Chaque hiver austral, le long de la côte orientale du Cap de Bonne-Espérance en direction de la côte sud du KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, se déroule la plus grande migration animale de la planète en termes de biomasse.

Un spectacle saisissant où plusieurs milliards de sardines empruntent les courants océaniques et se rassemblent en d’énormes bancs de plusieurs kilomètres de long. Le phénomène, surnommé sardine run, attire évidemment les plus grands prédateurs marins, offrant aux côtes sud africaines une biodiversité exceptionnelle : manchots du Cap, otaries à fourrure, albatros, pétrels, cormorans, fous du Cap, tortues luth, requins, dauphins, nombreuses espèces de baleines… Un écosystème aujourd’hui menacé par des projets d’exploitation de gisements pétroliers au large des côtes de l’Afrique du Sud.

© Alexis Rosenfeld
© Alexis Rosenfeld

C’est tout le but de la mission 1 Ocean, le projet international d’exploration mené par le photographe Alexis Rosenfeld avec l’Unesco en parallèle de la Décennie des Nations Unies pour l’Océan (2021-2030) et sous l’égide de la Fondation CNRS. Il s’agit pour cette mission scientifique en particulier, appelée mission « Renaissance », de documenter et comprendre ce phénomène encore méconnu, tout en mettant en avant la beauté du sardine run et les menaces qui pèsent sur lui. 

Photographe, photo-journaliste et plongeur professionnel, Alexis Rosenfeld a voulu partager avec Blind cette formidable aventure photographique, scientifique et humaine. Lui qui a découvert la plongée à l’âge de 8 ans parcourt depuis des années la planète pour raconter l’Océan à travers ses photographies. Membre de la dernière expédition du commandant Cousteau à Madagascar, il a pris part à l’épopée de la Comex (Compagnie maritime d’expertises) de Marseille ou encore participé à la découverte de l’épave de l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry. Il nous raconte ici, en textes et images, cette nouvelle aventure au cœur du miracle de la biodiversité marine. 

© Alexis Rosenfeld
© Alexis Rosenfeld

Mardi 4 juillet 2023 – Carnet de bord n°1 : Belle journée pour un photographe 

« C’est probablement une des plus belles journées de photographe que j’ai eu la chance de vivre. La nature nous a offert un spectacle, le plus grand spectacle du vivant. Si j’ai vu aujourd’hui plus de 100 baleines, c’est un minimum, plus de 10 000 dauphins, c’est un minimum et je dirais pas loin de 100 000 oiseaux. C’est incroyable. C’est tout ce qu’on avait imaginé. Les premiers jours ont été compliqués à cause du mauvais temps, des conditions de mer très difficiles : il y a une barre de vagues assez compliquée à passer. Mais aujourd’hui, toutes les conditions étaient réunies. C’est vraiment la magie de la nature qui s’est réveillée, qui s’est mobilisée devant nos yeux. C’est un truc de fou.

Pourquoi tout s’est aligné aujourd’hui ? Je ne sais pas. Probablement parce que la lune est pleine et qu’il y a forcément des comportements animaliers qui sont liés à ces conditions. Mais je ne sais pas pourquoi il y avait autant de baleines, dont beaucoup de baleines à bosse. Elles volaient en escadrille hors de l’eau. J’ai pris des photos au drone et parfois j’étais si près que j’étais obligé de le remonter tellement les baleines sautaient haut, elles risquaient de toucher le drone. Elles étaient escortées par les dauphins. C’est un rêve. Je ne suis pas trop allé sous l’eau pour l’instant parce que l’océan n’était pas assez clair pour moi et pour mes photos. Mais sous l’eau, j’ai aussi vu les baleines, les dauphins, les requins, tout ce qui crée ce monde du vivant ici. Cette plus grande migration animale au monde, je l’ai constaté en une petite journée. 

© Alexis Rosenfeld
© Alexis Rosenfeld

Concernant la partie photo, elle n’est pas évidente parce que j’ai une mer sombre et un ciel très lumineux, donc je passe rapidement des hautes lumières aux basses lumières et ça, parfois, c’est difficile à régler. Merci à mon Sony pour l’autofocus parce que franchement, ça va tellement vite avec ces dauphins qui sautent, les oiseaux qui plongent pour aller manger des sardines… on ne sait plus où donner de la tête, donc je mets en mode rafale max avec l’autofocus qui cherche dans tous les coins et qui va plus vite que ton cerveau. Ce qui serait parfait, ce serait un super stabilisateur où je pourrais m’asseoir dedans et être stabilisé au-dessus de l’eau. J’adorerais un truc comme ça. Je m’assois, je suis dans le stabilisateur et je fais un peu comme dans un vaisseau spatial de Star Wars, avec un joystick, où je vais à gauche, à droite, etc. Ça aurait été merveilleux parce que quand on a une houle comme ici de 3 mètres, 4 mètres parfois, c’est vraiment pas évident de cadrer.

Physiquement le passage des barrières de vagues avec le bateau, c’est supra violent ! Et un peu flippant aussi. Ce soir, ça a été super rude parce qu’on a eu du mal à prendre les vagues. Donc on s’est bien envolés avec peut-être une tonne dans le bateau. Mais voilà, ça me plaît de raconter ça et de montrer qu’on est là pour témoigner, c’est important. On est sur la plus grande migration animale au monde et c’est ici aussi qu’il y a des projets pétroliers. Ce qui risque de se passer, c’est de ne plus pouvoir assister à tout ça. » 

À suivre… 

© Alexis Rosenfeld
Afrique du Sud, juillet 2023. Au cours du tournage pour la chaine ARTE sur la plus grande migration du monde. Le plongeur cameraman Steven Surina se retrouve entre les plongeons des fous du Cap en quête de sardines. © Alexis Rosenfeld

La mission portée par l’équipe de 1 Ocean et l’Unesco est suivie par une équipe documentaire de la chaîne Arte. Deux documentaires seront réalisés par John Jackson et Thomas Labourasse, de Lacaz’a Productions.

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