Blind Magazine : photography at first sight
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Tout en haut sur la montagne

Ancien rédacteur en chef à L’Equipe Magazine, aujourd’hui galeriste spécialisé dans la photo de sport, Jean-Denis Walter anime une chronique régulière pour Blind. Aujourd’hui, retour sur l’œuvre de Jérémy Bernard, photographe des sports d’hiver.

Le ski n’est pas une spécialité facile en photographie, la lumière n’est pas toujours aisée à gérer avec l’intensité de la réflexion sur la neige, ou pire, le jour blanc. Elle est affaire de spécialistes. Il y a ceux qui suivent à l’année les différentes disciplines olympiques, sorte de chasseurs d’images enterrés dans la neige, résistants au froid et capables de figer un descendeur déboulant à pleine vitesse.

C’est comme une caravane qui se déplace dans des endroits au noms qui font rêver: Schladming, Kitzbuhël, Val Gardena, Val d’Isère, Beaver Creek entre autres, lieux de pèlerinage du ski alpin, où les nuits sont aussi chaudes que les jours sont glacés et Oberhoff ou Antholz par exemple, plus austères pour ceux qui couvrent le Biathlon.

Ils savent où se placer pour obtenir les bonnes images et connaissent aussi les bons endroits pour le meilleur vin chaud ou la raclette la plus digeste. Ils étaient à l’honneur à Pékin pour les Jeux Olympiques en 2022 et malgré les températures extrêmes, on a vu passer plein de très belles choses.

Jérémy Bernard, un regard référence sur le freeride

Ce n’est pas d’eux que je vais parler aujourd’hui, mais d’un spécialiste qui travaille hors des sentiers battus, loin des compétitions officielles. 

Jérémy Bernard est plutôt un regard référence sur le freeride et son travail est un hommage aux skieurs en liberté mais aussi et surtout à la nature elle-même. Je l’ai découvert il y a quelques années, il était venu me présenter à la galerie sa série intitulée « Couleurs », réalisée avec des amis. Un projet artistique un peu fou, shooté sur les hauteurs des Marécottes en Suisse.

Couleurs-III © Jeremy Bernard
Couleurs-III © Jeremy Bernard Tirage disponible ici
Couleurs-XIII © Jeremy Bernard
Couleurs-XIII © Jeremy Bernard Tirage disponible ici
Couleurs-XI © Jeremy Bernard
Couleurs-XI © Jeremy Bernard Tirage disponible ici

D’abord, colorer des étendues de neige vierge à l’aide de pigments naturels et les skier pour les bousculer. Ensuite ou plutôt en même temps, immortaliser la performance par la photographie. Aucun travail de retouche, ces images sont la réalité d’un instant.

Toute une journée pour monter, peindre la neige avec un vieil épandeur agricole chiné dans une brocante, puis c’était au skieur, Jérémie Heitz, une sommité, de jouer.

Il se lançait et l’autre Jérémy, le photographe, n’avait qu’un passage pour sortir une image digne de ce nom. En cas d’échec, le champ de neige ne ressemblait plus à rien et tout ce petit monde remontait le lendemain pour le même protocole. Une saison de travail intense pour treize oeuvres à l’arrivée qui constituent cette série.

Jérémy Bernard s’était présenté simplement, m’avait raconté son histoire, sa rencontre décisive avec Dom Daher, un photographe de référence sur le circuit du Free ride : « Je ne savais pas quoi faire de ma vie, je l’ai vu bosser, j’ai aimé. »

Jeremy Bernard a 27 ans à ce moment- là, il faut qu’il s’engage. D’abord assistant à tout faire, c’est à Whistler (Canada) qu’il est devenu véritablement photographe. Un an à filtrer la lumière des Rocheuses, avec les skieurs et les vététistes, un an penché sur l’écran pour dégager ses premières pépites et décrocher ses premières parutions.

Clichés taillés dans la matière brute

Sam Favret Chamonix 2016 © Jeremy Bernard
Sam Favret Chamonix 2016 © Jeremy Bernard Tirage disponible ici
© Jeremy Bernard
© Jeremy Bernard Tirage disponible ici

Un peu plus tard, il décrochait le prix du meilleur photographe européen lors du festival de film de freeski IF3 à Annecy. Il est aujourd’hui l’un des regards les plus recherchés dans le monde glissant et souvent casse-gueule de la photo de ski. Pour travailler, Jérémy ne pioche que dans le réel. Ainsi, il proscrit le flash et ne travaille qu’avec la lumière naturelle.

Ses clichés sont taillés dans la matière brute, chaque pixel n’est pas poli sur photoshop. Il cherche le mouvement dans l’épure, il veut des spasmes entre les quatre angles droits du cadre. Il quitte de temps en temps ses Alpes chéries, mais c’est pour d’autres montagnes en Alaska, en Chine ou au Japon.

Il y a quelques années, il a fondé avec des amis, dont son mentor Dom Daher, une revue numérique, Neuf dixième, dont l’ambition est de raconter des histoires sur des aventures Outdoor et sa déclinaison papier JC by Neuf dixième. Le ski et la neige ne sont jamais loin. La revue publie leurs travaux et ceux des photographes et rédacteurs dont ils apprécient le travail et qu’ils y convient. L’idée est de faire long.

Sam Favret Chamonix © Jeremy Bernard
Sam Favret Chamonix © Jeremy Bernard Tirage disponible ici

Hommage permanent à la nature

Jérémy Bernard aime les longues histoires et le format de la presse traditionnelle ne lui permettait que de publier un dixième de ses travaux au long cours. La revue lui permet de montrer le reste, les 9/10e qui manquent, la partie immergée de l’iceberg. Il est très connu dans le milieu pour son éternelle insatisfaction.

Sur les shooting, « On va la refaire », est une phrase qui revient dans sa bouche comme un mantra et le skieur quasi mort d’épuisement sait que Jérémy ne lâchera pas l’affaire. Il est toujours à la recherche de la photographie ultime comme Bodhi de la vague dans Point Break, alors qu’à la nuit tombée, quand il faut bien s’arrêter, ce qu’il a dans la boîte confine déjà à la perfection. Il est comme ça. La meilleure photo sera toujours la prochaine.

© Jeremy Bernard
© Jeremy Bernard Tirage disponible ici
Alaska © Jeremy Bernard
Alaska © Jeremy Bernard Tirage disponible ici

Son travail est un hymne, un hommage permanent à la nature et aux joies qu’elle offre, à ce qu’elle propose de grandiose.

Il aime être sur la route ou sur ses montagnes pour des voyages de plusieurs semaines ou plusieurs mois. Il veut raconter, témoigner sans cesse, pour à travers des histoires, des récits visuels, alerter et préserver.

Si je devais retenir une oeuvre, une seule à emmener avec moi sur une île, je pense que je pencherais pour Myoko, une pépite réalisée au Japon avec le skieur Jérémie Heitz, toujours lui.

Un skieur seul et heureux évoluant dans la fabuleuse poudreuse japonaise dans un genre de forêt de Brocéliande. Un endroit mystérieux et magique. Le rêve absolu du skieur et du photographe.

La Galerie Jean-Denis Walter expose et vend des photographies de sport en édition limitée : www.jeandeniswalter.fr

Myoko © Jeremy Bernard
Myoko © Jeremy Bernard Tirage disponible ici

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