Une nuit d’octobre 2016, le designer floral Lewis Miller et son équipe s’introduisent dans Central Park pour gagner le John Lennon Memorial, où ils installent plus de 2 000 fleurs aux couleurs vives, formant un halo psychédélique autour du mot « IMAGINE ».
Comme toujours ou presque pour les artistes œuvrant sans autorisation, l’acte de « vandalisme » de Lewis ne fait qu’embellir la ville. Sur les réseaux sociaux – ultimes baromètres de l’opinion publique –, le verdict ne tarde pas à tomber : c’est une avalanche de selfies tout sourire, et même les plus blasés des New-Yorkais sont agréablement surpris par cette abondance de dahlias et d’œillets rose, violet, jaune et orange, y voyant un don aussi simple que tendre pour leur ville chérie.

Cette réaction ne fait que confirmer le bon instinct de Lewis Miller. Au cours des cinq dernières années, le « Bandit des fleurs » a ainsi transformé le paysage urbain en une splendide corne d’abondance florale, notamment pendant les confinements, lorsque la ville en avait le plus besoin. Depuis cette première aventure dans Central Park, Miller n’a cessé d’assouvir son imagination, avec plus de 90 installations dans toute la ville – transformant des poubelles en vasques resplendissantes, des sculptures publiques en œuvres d’art vivantes et des abribus en paradis tropicaux.
Myosotis
Lewis Miller décrit chaque œuvre comme un « Flower Flash » (« éclair floral »), expression qui pourrait être à la fois un nom, un verbe et un adjectif. « C’est viscéral, imparfait et exubérant, mais aussi sans complexe », explique-t-il dans son nouvel ouvrage homonyme. « Qui repose sur un vague plan pouvant être modifié sur place et dont le succès repose sur un accord avec l’environnement. Le contraire de la conception pour un événement chic. »

Sauvages et libres, ces expositions sont la manifestation ultime d’une impulsion créative, embrassant improvisation, spontanéité et rapidité. Et si Miller admet volontiers qu’il était au départ réticent à l’idée de se considérer comme un artiste, la réaction du public l’a aidé à réaliser que le street art est peut-être « la forme la plus démocratique de l’art contemporain ».
Ici, l’art est d’avantage une expérience plutôt qu’une marchandise, les « éclairs floraux » de Miller sont ainsi l’occasion de s’arrêter sentir ces roses, tandis que nous nous précipitons d’un point A vers un point B. La photographie préserve et amplifie leur effet, transformant la fleur fraîchement coupée en un être d’une splendeur intemporelle.
La photographie offre aussi au public la possibilité d’intervenir sur les réseaux sociaux afin de réagir aux créations de l’artiste. « J’ai couru après la beauté toute ma vie. J’ai grandi en Californie, et une fois adulte, je ne me suis jamais vraiment senti à ma place nulle part. Que ce soit à Modesto ou à Manhattan, je suis un introverti, nul en sport. Les fleurs ont toujours été mon sanctuaire », remarque-t-il dans son livre.
Mais il ne suffit pas de cocher toutes les cases. Comme tous les bons artistes, Miller est habité par un besoin de création et celui de la partager avec le grand public. « Lorsqu’on me demande de définir ma vision, quelques mots me viennent à l’esprit : Abondance. Contraste. Joie. Folie. Énergie », écrit-il. « Les fleurs sont un support comme aucun autre. Elles existent pour être belles, pour attirer papillons et abeilles. Une fonction vitale aussi simple qu’étonnante. » Une mission dont nous pourrions tous nous inspirer.
Par Miss Rosen
Flower Flash est publié par Monacelli Press, 55 dollars.