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Carlos Pérez Siquier, sous le soleil d’Almeria

Le Fotografie Forum Frankfurt consacre une grande rétrospective au pionnier de l’avant-garde photographique espagnole d’après-guerre. Carlos Pérez Siquier (1930-2021) documenta durant soixante ans la ville côtière d’Almeria et ses habitants.

« Le soleil restera toujours celui de mon enfance. » Une phrase dont la poésie n’étonne que pour mieux résonner, convoquant en chacun les souvenirs d’une époque plus ou moins lointaine. Lorsqu’il l’a prononcée, en 2019, Carlos Pérez Siquier était un vieil enfant, il approchait les 90 ans. Mais sa région a laissé une empreinte profonde en lui.

Le photographe est indissociable de sa ville natale, Almeria, tout au sud de l’Espagne. Une terre baignée, pour ne pas dire rôtie, par l’astre solaire. Une terre ensuquée de lumière. Cette lumière, le monde entier la connaît, elle a laissé sa trace sur la pellicule des cinéastes de westerns spaghettis.

Elle est tout aussi saisissante dans l’œuvre du maître espagnol qui s’est éteint en 2021. Le Fotografie Forum Frankfurt, à Francfort, en Allemagne, présente une grande rétrospective, rassemblant près de six décennies de travaux, de 1957 à 2018.

Carlos Pérez Siquier, à la recherche de sa propre voie

Les images les plus anciennes sont celles de La Chanca, un quartier de la ville méditerranéenne. Lorsque Carlos Pérez Siquier commence à le photographier, au milieu des années 1950, cela fait quelques années que le jeune homme cherche à assouvir sa soif de culture. Mais à la plume, il préfère l’appareil photo. Un objet familier.

Carlos Pérez Siquier. La Chanca, Almería, 1958 24 x 34 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier. La Chanca, Almería, 1958 24 x 34 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022

Petit, l’Espagnol regardait son père développer ses images dans le laboratoire du grenier. « Ses photos ne m’ont pas appris grand-chose. Elles étaient très conventionnelles, avec les sujets typiques de quelqu’un qui aspire à la beauté : couchers de soleil, petit bateau se reflétant sur la mer, portraits d’amis dans des poses étudiées, et ainsi de suite », raconte-il dans le catalogue de la rétrospective publié lors de sa présentation l’été dernier à Madrid par la fondation MAPFRE.

Son œil, il le forme aux correspondances qu’il entretient avec des photographes repérés dans divers périodiques. De lettre en lettre, il explore différents points de vue et approches, se découvre de nouvelles références pour mieux affiner son style. Une influence sera déterminante, l’éloignant à jamais d’un style pictorialiste.

« Tout a changé lorsque j’ai découvert Les Cahiers des 30×40, publiés par les gens du Club photographique de Paris. Je ne sais pas comment je me les suis procurés. Les photographes internationaux les plus reconnus y publiaient. Ils m’ont fait comprendre l’importance de la photographie en tant que langage et son influence sociale et culturelle. Et j’ai progressivement changé la photo que je faisais de manière conventionnelle, avec plus ou moins de goût. »

Une influence dans toute l’Espagne et au-delà

À La Chanca, tant en noir et blanc qu’en couleur, on sent cette influence humaniste, ce goût des choses simples : jeux graphiques de l’architecture, regards d’enfants, scènes du quotidien.

Dans le même temps, le jeune homme lance avec son comparse José Maria Artero AFAL (pour Agrupación Fotográfica Almeriense), un groupe et un magazine qui rassemble bientôt les photographes espagnols les plus innovants. Car innovant, Carlos Pérez Siquier l’est.

Carlos Pérez Siquier Cádiz, 1973 50 x 50 cm © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier Cádiz, 1973 50 x 50 cm © VG Bild-Kunst, Bonn 2022

« Certaines images dans l’histoire de la photographie sont tellement radicales que l’on ne sait pas où les placer. Les images de plage de Carlos Pérez Siquier semblent aussi fraîches aujourd’hui que le jour où elles ont été prises et nous devons garder à l’esprit le contexte de la photographie contemporaine en Espagne et en Europe à l’époque », écrit Martin Parr en 2013.

Ces photos de plage, prises en couleur dans les années 1970, figurent également au programme de l’exposition francfortoise.

Non sans humour ni humilité, le maître dit que la photographie n’était pour lui au début qu’un prétexte à prendre des photos de femmes. La qualité et la longévité de sa pratique vient pourtant démentir son affirmation. Et les commissaires de l’exposition, Carlos Gollonet et Carlos Martin, de souligner : « Ses œuvres reflètent la transformation de tout un pays, depuis un lieu périphérique, Almeria, où il a vécu toute sa vie. »

Carlos Pérez Siquier, Marbella, 1974, 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier, Marbella, 1974, 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier, Roquetas de Mar, 1973, 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier, Roquetas de Mar, 1973, 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022

Carlos Pérez Siquier, rétrospective au Fotografie Forum Frankfurt, Braubachstraße 30-32, Francfort (Allemagne), jusqu’au 15 janvier 2023.

Carlos Pérez Siquier, Cabo de gata, 1990 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022
Carlos Pérez Siquier, Cabo de gata, 1990 50 x 50 cm. © VG Bild-Kunst, Bonn 2022

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